J'crois que j'avais jamais vu un film en salle avec des couleurs aussi dégueulasses, autant de surexposition et de faux raccords. À cela, il faut ajouter les plans filmés avec le drone du fiston Herzog, qui achèvent de donner au film une espèce de total amateurisme. Et du coup ? Bah ça nous donne l'impression d'un long-métrage filmé par n'importe qui. Toutes ces tares techniques finissent par renforcer la problématique du film, à savoir : où s'arrête la réalité, où commence la fiction. Family Romance, c'est une société japonaise qui propose de louer un proche. Un prestataire va ainsi enfiler le costume du père, du mari et même pourquoi pas, d'un défunt contre une somme d'argent. Formidable radicalisation des rapports humains dans les sociétés marchandes - qu'on aurait bien tort au passage de croire propre à la seule société nippone. Mais du coup, c'est vrai ou pas ? Family Romance est remercié dans les crédits de fin. Est-ce que du coup c'est un documentaire si la société existe ? D'ailleurs, Ishi Yuichi, directeur de l'entreprise, joue son propre rôle dans le film ! Family Romance, LLC ne cesse de se dévoiler pour ensuite se recouvrir d'opacité. Werner Herzog a-t-il vraiment réalisé ce film ? N'explique-t-il pas sur Skype pour SensCritique que l'idée de ce film viendrait d'un de ces anciens étudiants, de sa vraie fausse école de cinéma ? Plus on cherche, plus on s'enfonce dans les faux-semblants, de telle sorte qu'à la fin, plus rien ne veut dire. Les personnages du film semblent vraiment ému·es, même s'ils jouent la comédie. Nos émotions à nous, sont-elles réelles ? À un moment je me suis endormi, pour de vrai. Je me réveillais seulement par intermittence devant un très long dialogue entre le protagoniste principal et une femme, dont le propos m'échappera pour toujours. D'ailleurs, si je puis me permettre une parenthèse, il vaut mieux parfois s'endormir au cinéma quitte à louper cinq-dix minutes de film plutôt que de somnoler pendant une heure, auquel cas la séance devient pénible ; par ailleurs, ça permet des siestes et/ou des expériences filmiques hors normes. J'ai été soudain réveillé par l'arrivée du Shinkansen en gare de Tokyo. Fichtre, c'est presque le même plan que la fameuse Arrivée d'un train en gare de la Ciotat ! Mais si, vous savez, ce film dont la projection avait précipité la panique chez les spectateur·ices de l'époque, lesquel·les pensaient qu'un train allait sortir de l'écran pour les écrabouiller ! Plus tard, le protagoniste principal du film demandera au directeur d'un hôtel dirigé par des robots s'il pensait que ceux-ci auraient bientôt la capacité de rêver. Haha. Tout le monde a compris la référence. Pas si subtil ! Et pourtant, on peut se demander, le cinéma a-t-il encore la capacité de nous faire rêver, à une époque où tout le monde possède un smartphone, a la capacité de filmer, monter une vidéo et la mettre en ligne sur Internet ? Le cinéma n'est-il pas devenu quelque chose d'extrêmement médiocre, à l'heure où tous les films se ressemblent, des blockbusters insipides aux films "d'art et essai" ? Qui peut encore se prétendre réalisateur ? Que fait Herzog quand il tourne un film qui suinte autant l'amateurisme ? Est-ce qu'il descend au niveau général, ou est-ce qu'il s'élève dans une méta-technique prophétique qui annoncerait le cinéma de demain (d'aujourd'hui) ? Aguirre n'était-il pas déjà un film amateur, avec ses plans filmés comme on pouvait, dans la forêt amazonienne ? Family Romance, LLC est-il un bon film ? Ma critique est-elle une bonne critique ? Ma critique a-t-elle valeur de critique ? Y a-t-il du sens critique sur SensCritique ? Est-ce que la valeur d'un film se jauge à l'amusement qu'on en a quand on le voit (je me suis endormi, et c'était une sieste agréable), à ce qu'il charrie d'intention auteuristique et de message, aux remous qu'ils provoquent dans la conscience tranquille des spectateur·ices, à sa capacité à capturer l'esprit du temps ? Qui sait ? En tout cas, n'allez pas voir ce film si vous n'aimez pas les couleurs dégueulasses, la surexposition et les faux raccords (ou alors justement, allez le voir).

khms
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le 29 août 2020

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