Exhibition
6.8
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Documentaire de Jean-François Davy (1975)

Cela fait quelques années que j'ai la série de films "Exhibition". J'en avais regardé un à l'époque, au hasard et il me semblait que ça parlait de sado-masochisme. Mais quand je vois le sujet des deuxième et troisième volet, je me demande si je ne confonds pas avec autre chose ? On verra. J'espère revoir ce docu sur le sado-masochisme en tous cas ; j'avais trouvé le film difficile à regarder n'étant pas porté sur la chose et en plus n'ayant vu que le sado-masochisme des films pornos plus mainstream (voir un vrai couple se faire mal pour du vrai le tout filmé en mode documentaire, c'est quand même très dérangeant).


En tous cas, ce film-ci est assez passionnant à suivre. J'avoue ne pas trop m'être occupé du message que pourrait véhiculer le film ; c'est vrai qu'on en revient au traditionnel 'elle a été violée donc elle fait du porno' mais en même temps on nous montre une image du porno loin du misérabilisme habituel, on croirait même observer une micro-société utopique, au vu de ce qu'avance le personnage central, pornstar de son époque. Et j'en viens à l'intérêt de ce film : le portrait de Claudine Beccarie.


Ce n'est clairement pas une personne avec qui je m'entendrais mais ça ne m'a pas dérangé. Elle intrigue de par ses nombreuses contradictions, de par son déni constant (pour elle, ce n'est pas du porno qu'elle faisait, juste de l'érotisme... 8 ans plus tard elle admettra avoir tourné un ou deux pornos sans plus), de par son histoire dramatique (le déni se poursuit : c'est touchant de voir comment elle se confie petit à petit). En fait, on se croirait presque en analyse thérapeutique, au point que lorsqu'elle en révèle trop, on assiste à un problème de transfert, la jeune femme qui se rebelle, s'énerve et envoie chier l'auteur.


En même temps, c'est assez bizarre qu'elle ne l'ait pas fait plus tôt : les questions sont très intimes et parfois même on sent quelques piques ou du moins la volonté de blesser la personne en la rabaissant pour lui faire se rendre compte de certaines 'vérités'. Mais elle continue. Elle non plus n'est pas exempte de défauts et c'est aussi ça qui est bien, le portrait n'est jamais lisse. Et pour en revenir sur la micro-société utopique, j'ai dit ça par rapport à sa vision de son travail et de sa carrière. Quand elle compare prostitution et métier d'actrice porno, qu'elle exprime son refus de coucher avec un producteur mais pas avec des partenaires en étant payé, son indignation quand on prononce le mot pipe, elle qui préfère dire fellation, pratique qu'elle préfère d'ailleurs dans le sexe. Au final, l'important n'est pas trop de savoir si elle ment à l'auteur, au spectateur ou à elle-même, mais juste de constater les contradictions qui font la vie. Contradictions qui font la vie de chacun, car nous aussi nous en avons, il ne faut pas se leurrer.


Ce qui est passionnant aussi, c'est de voir des gens avec des avis tranchés. Souvent, ce sont les gens qui sont les plus sûrs d'eux qui paraissent être les plus cons. Parce qu'ils vont réussir à vous dire sans cligner des yeux les pires absurdités de votre point de vue. C'est aussi chez ces gens que les contradictions de la vie sont les plus fortes, car ils ne se rendent pas compte qu'ils se contredisent. Et lorsque c'est le cas, ça explose. C'est ça que je voulais dire quand l'auteur lance ses piques. En fait, il tente de confronter son héroïne à la réalité. Et je pense que ce que j'ai appelé problème de transfert, ce sont en fait des moments où elle se rend compte qu'elle a dit une bêtise, qu'elle se sent bête, c'est un moyen de défense. On en a à peu près tous dans la vie de tous les jours aussi.


La narration de ce documentaire est particulière parce qu'on suit le personnage sur ses plateaux de tournage ; et même plus, l'auteur filme ses propres scènes de cul. Le documentaire sur la vie de cette actrice devient lui-même une fiction porno le temps de quelques minutes, de quelques saillies, de quelques orgasmes. C'est assez bizarre comme sensation car le spectateur n'est pas dans l'humour pour se branler, il observe alors ces acteurs copuler comme s'il s'agissait d'un documentaire animalier. Et je cite là la réaction de l'actrice, montrée en début de film en train de voir un montage où l'on alterne interviews et pénétrations. C'est très étrange. Elle-même se trouve choquée. Et c'est normal puisqu'elle se retrouve confrontée à ce que les gens perçoivent d'elle entre deux plans où elle explique comment elle se perçoit au quotidien. Et puis à nouveau ça ne fait que renforcer l'incompréhension par rapport à son déni puisqu'elle parle d'érotisme tout le long du film, y compris lorsqu'on la voit pratiquer une fellation en gros plan pour le documentaire (et elle sait qu'on voit le sexe, sa bouche et plus tard l'éjaculation).


La mise en scène est efficace : cette alternance ne fatigue jamais, l'auteur a toujours quelque chose à raconte, à ajouter, à préciser. De même que le discours de la jeune actrice prend un sens différent au fur et à mesure qu'elle se révèle ; Jean-François Davy exploite bien son sujet, ses situations. Son équipe est au taquet, filme les bonnes choses au bon moment (comme le visage effacé de la mère après qu'elle ait été mise face à ses contradictions elle aussi, alors que la fille reprend l'interview comme si de rien n'était).


Les intervenants sont passionnants. Claudine Beccarie en premier lieu, bien sûr, mais aussi ses collègues voire même les passants qui s'expriment (y a ce type bizarre, devant le cinéma qui déclare que ces films 'érotiques' le rendent plus sûr de lui et le rendent heureux). Le réalisateur aussi a une bonne tête, une bonne bouille de fouineur. Et puis les lieux sont bien exploités. Quant aux scènes porno, elles sont pas mal fichues en soi, placées dans un contexte plus érogène elles procureraient du plaisir.


Bref, j'ai passé un bon moment devant ce documentaire ; le portrait réalisé est passionnant. Il me tarde de voir la suite.

Fatpooper
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le 18 juin 2017

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