Démons Des Bois / Démons Des Villes (Dead)

Evil Dead Rise est donc le cinquième film de la saga après la trilogie originale de Sam Raimi et le remake de 2023 réalisé par Fede Alvarez (et accessoirement une parodie X). Cette fois ci difficile de clairement identifier le projet qui n'est ni un remake, ni une suite, ni un reboot mais plutôt une sorte de spin off délocalisant les démons du fond des bois vers la ville. Le film qui est réalisé par Lee Cronin (le très bof The Hole In The Ground -2019) se déroule donc dans un immeuble de banlieue en décrépitude et il a pour autre particularité d'être porté par un casting essentiellement féminin.

Evil Dead Rise nous raconte donc l'histoire de Beth qui après avoir découvert qu'elle était enceinte vient retrouver sa sœur qui vit seule en périphérie de Los Angeles avec ses trois enfants dans l'appartement d'un immeuble voué à la destruction. A la suite d'un tremblement de terre l'un des enfants remonte le livre des morts et des enregistrements audio qui vont une nouvelle fois réveiller les démons possesseur de chair.

Avant toute chose je dois préciser que Evil Dead premier du nom est l'un de mes films de chevet. Découvert en VHS dans le délicieux inconfort d'une image granuleuse le film reste pour moi l'un des sommets du cinéma horrifique moderne et un véritable film de trouille d'autant plus traumatisant que la mise en scène de Sam Raimi me semble autant possédée que les personnages du film. Je sais par essence que les petits miracles ne se reproduisent que rarement et qu'il est vain de penser retrouver les mêmes sensations qu'à l'époque, mais j'attends à minima qu'un film estampillé Evil Dead tente de le faire. Ce Evil Dead Rise s'avère être un divertissement horrifique honorable traversé de quelques jolies fulgurances gore et de plans qui démontre que Lee Cronin sait tenir une caméra. L'ambiance de décrépitude de cette immense bâtisse fragilisé et cauchemardesque est plutôt bien rendue à l'écran et le film sait faire preuve d'une redoutable efficacité lors de quelques séquences de pure terreur. L'aspect très fantôme asiatique de cette mère de famille possédée, la fille qui bouffe des morceaux de verre, l'utilisation très particulière d'une râpe à fromage par un démon qui a confondu mimolette et mi mollet, le final ultra gore dans le sous sol ; objectivement le film de Lee Cronin offre suffisamment de bons moments pour lui assurer toute ma sympathie, mais est ce vraiment suffisant quand on s'appelle Evil Dead ? Le casting lui aussi est globalement très bon, on passera sur quelques seconds rôles parfaitement inutiles mais le noyau familiale avec la mère, sa sœur et les trois enfants est très convaincant. La thématique de cette fille enceinte plutôt tournée vers l'avortement et qui va se découvrir l'instinct maternelle en devant protéger les trois gosses de leur mère devenue cinglée n'est pas très originale mais là encore ça fonctionne plutôt bien à l'écran. Mais alors que manque t-il à ce Evil Dead Rise me direz vous ? Et bien il lui manque l'essentiel pour moi à savoir la folie du grotesque, l'inconfort de l'horreur, la peur viscérale de l'inconnu …

Quitte à s'affranchir de la trilogie matricielle autant faire carrément un autre film car on sent que Lee Cronin se retrouve un peu coincé entre l'envie de s'émanciper et le besoin de faire du fan service quitte à frôler le hors sujet comme lorsqu'il nous ressort le gag de l’œil gobé (Evil Dead 2) au sein d'un film plutôt sérieux et premier degré. Parce que Lee Cronin aura beau se vanter en interview d'avoir utilisé 6500 litres de faux sang, que ses personnages portent tous un patronymes d'acteurs et actrices de la saga, que la tronçonneuse du film soit de la même couleur que la fameuse Oldsmobile de Ash, que Bruce Campbell soit l'une des voix que l'on entend sur les disques ou que l'on voit la même horloge que dans le premier film, au final ça fait des anecdotes à raconter mais pas forcément un bon film. On a la sensation qu'il y-a comme ça une check list à remplir pour être un bon élève qui a bien compris son petit Evil Dead, alors on remplace les branches salaces par des câbles électriques, on nous ressort une tronçonneuse dans un univers urbain, quelques répliques cultes (Dead By Dawn), on ajoute des références à Shining ou Freddy quitte à être HS et on a la sensation d'avoir fait son petit devoir avec application en caressant les fans dans le sens du vent. Sauf que les fans d'Evil Dead comme moi ce qu'ils veulent c'est juste un putain de film de terreur avec une mise en scène de cinglé qui te plonge dans l'inconfort de ne jamais savoir ce qui va se passer la scène d'après. Ici on reste sur un terrain relativement connu avec jump scares, design sonore envahissant et agressif , flots de sang, clin d’œil à gogo et trame narrative relativement balisée et prévisible. Difficile pourtant de jeter la pierre à Lee Cronin qui semble tiraillé entre un vrai désir de nouveauté et le devoir de multiplier les références visuelles et thématique pour rester fidèle à l'univers des films de Sam Raimi.

On ne va pas non plus trop bouder son plaisir, ce Evild Dead Rise est un chouette petit film d’horreur dont le plus gros défaut est peut être tout simplement de s'appeler Evil Dead.