Bon, par où commencer.


Déjà par dire qu'Evil Dead, version Sam Raimi of course, est un de mes films d'horreurs préférés, voire films préférés tout court, et que ça a été pour moi un choc traumatique. Pas tellement pour sa violence et son horreur, que le génie absolu de sa mise en scène. Bricoler un truc aussi inventif, roboratif, couillu, jouissif et bourrin avec 3 francs cinquante (ouais on causait en francs à l'époque), ça me scotchait la gueule et ça continue d'ailleurs encore aujourd'hui. Oui oui, voir et revoir Evil Dead pour sa mise en scène, parfaitement : le genre de films qui donne envie de faire du cinéma.


J'abrège sur l'épisode 2 dont je suis fanboy absolu, passe rapidement sur le 3 qui est sympatoche mais pour le coup un peu trop farce potache à mon goût, pour m'occuper enfin du film qui nous concerne aujourd'hui : le remake.


J'avoue comme quasiment tout le monde ne pas être super fan des remakes, car voir régulièrement mes passions de jeunesses ou mes films cultes saccagés en place publique ne m'emplit pas d'une joie ineffable. Mais honnêtement, avec Raimi, Tapert et Campbell en caution, un red band trailer bien saignant, je n'avais aucun à priori envers le film.


Qui est au final assez sympa, mais rempli de problèmes.


Passons sur les personnages, inexistants, les relations, cornichonnes : c'était aussi comme ça dans l'original. Même si le personnage de Campbell avait évidemment 10 fois plus de charisme que ce frangin marionnette, et que le rôle du copain en chemise à carreau (nous l'appellerons Hommage n°1) était un peu plus crédible sans une fausse barbe hyper voyante. Une vilaine histoire d'overdose et un médaillon plus tard (nous l'appellerons Hommage n°2), nous voilà lancés pour un spectacle ma foi fort plaisant et gore comme il faut, et qui plus est fort joli.


Côté mise en scène, les américains latins (je dis comme je veux) prouvent effectivement - et une fois de plus - qu'en ce moment c'est eux qui on tout dans le slibard. Au moins Evil Dead est visuellement splendide, avec quelques trouvailles de mise en scène bien senties, quelques plans obliques qui rappellent évidemment des souvenirs : nous l'appellerons Hommage n°3.


Les bases sont posées, la possession peut commencer, et le film d'aligner gentiment les séquences craspecs, avec ce qu'il faut de gore gerbeux et de modernisme façon torture porn. Et là surgit l'un des premiers problèmes du film - sans doute le plus grave : on ne comprend rien.


Enfin si, bien sûr, on comprend : un démon qui possède tout le monde, on se bute dans la joie et la bonne humeur, youhou. Comme dans l'original, sauf qu'on y voyait clair : se barrer, impossible, donc survivre, tenir jusqu'au matin. Ici, entre les possédés qui font n'importe quoi pour remplir le cahier des charges niveau dégueulasseries (je m'ébouillante, je me mutile, je me coupe la langue), les méthodes pour les buter façon je sais pas choisir (il n'y en a qu'une : le démembrement), et les pseudos revirements pas crédibles une demi seconde, c'est le n'importe quoi. Sans oublier les plans systématiques sur les illustrations du bouquin, à destination du public neuneu qui n'aurait pas fait le lien.


Autre gros problème : cette confusion générale se double d'une volonté de fan service qui fout totalement le film par terre. A ménager la chèvre et le chou, à vouloir rendre hommage à son maître sans trop savoir quoi faire, à vouloir rester dans les clous tout en essayant quelque chose de différent, le film se plante dans les grandes largeurs. Séquence de coupage de bras, pour le coup totalement gratuite et inutile : check. Plan sur la trappe dans le sol qu'on bloque avec des chaînes : check. Plans en pseudo shaky cam dans la forêt : check. Plan sur une tombe creusée à même le sol : check. Etc, etc, etc,.


Le pire étant atteint dans un final débillissime où l'héroïne nous la joue Bruce Willis dans Pulp Fiction et s'emmerde à se coltiner une tronçonneuse uniquement pour le plaisir, là encore, du clin d'oeil, de l'hommage. Oh, Fede ? Tu t'adresses aux vieux de la vieille ou tu cherches à toucher un nouveau public ? Parce que là, ton film, il ne fait ni l'un ni l'autre.


Enfin, la dernière partie du film est complètement abrutie, et résume la menace à une connasse qui sort du sol et ne sait même pas attraper une nana à trois mètres d'elle. Il pleut du sang, c'est plastiquement superbe, mais bordel que c'est con. Ash affrontait des démons 3 fois grand comme lui, se bastonnait contre des créatures immortelles qu'il devait couper en morceaux. Ici, des zomblards masochistes qui marchent à deux à l'heure.


Tout ça n'est pas honteux - le film est à mille lieues des merdes produites par Bay et Platinum Dunes, c'est déjà ça. Mais entre les problèmes de scénario, les personnages en carton qu'on essaye d'épaissir pour nous imposer des scènes franchement ridicules et hors contexte (le défibrillateur, OMG), et le fan service lourdingue, j'ai du mal à voir dans ce film autre chose qu'un superbe écrin visuel, un claquage de gueule stylistique, au service d'une bande parfois gentiment trashos, mais le plus souvent dans la norme des films d'horreurs actuels, c'est-à-dire pas terrible.


Pour le coup, je vais me refaire Drag me to hell, ô combien plus réjouissant, irrévérencieux et méchant que ce remake sans grand intérêt.

Prodigy
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le 29 déc. 2013

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Prodigy

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