Si elle n’existe pas encore, il faudra créer une catégorie « films éprouvants », une catégorie
pour laquelle le mètre étalon serait à coups surs ce EEAAO des « Les Daniels », ce couple
de réalisateurs trentenaires américains. Oui j’ai souffert pendant ce film et je ne pense
pas être le seul car allons-y franchement, il s’agit d’un film physiquement insupportable
et qui fait mal au cul et aux yeux aussi.
Ce film est certainement réalisé de manière très sincère et honnête par « Les Daniels », mais
si l’on veut être honnête de notre côté en tant que spectateur, il est difficile de le défendre.
Je crains que les critiques qui voient en ce EEAAO un chef d’œuvre absolu ne soient que des
gens malhonnêtes ne faisant que suivre une vague hype créée de toute pièce et
artificiellement autour de ce petit film.
L’histoire est celle d’une mère de famille débordée faisant face à des problèmes familiaux
(avec son père sa fille et son mari) et qui au détour d’un ascenseur est visitée par une
version alternative de son mari qui l’initie à des univers parallèles dans lesquels d’autres
versions d’elle-même vont lui donner la clef pour des solutions à ces soucis du quotidien.
Une histoire prétexte à un vidéo clip géant de 150 minutes environ.
Le pire c’est que ces réalisateurs ont par moment de très bonnes idées mais qu’ils les
gâchent systématiquement par un excès démonstratif très vite fatiguant. Disons que leurs
bonnes idées, si elles étaient traitées de manière concise pourraient faire mouche bien des
fois et offrir des gags savoureux. Mais à chaque instant, au lieu de faire une scène courte
contenant un gag ou un effet, la scène s’étale et devient trop longue et du coup elle écœure.
« Les Daniels » poussent leurs bonnes idées trop loin dans un délire excessif comme s’ils ne
savaient pas doser la sauce. On pourrait dire qu’ils sont trop généreux c’est vrai mais leur
générosité provoque l’épuisement et là ce n’est pas possible. On dit que les blagues les plus
courtes sont les meilleures. Les Daniels ont plein de bonnes petites blagues au fil de leur
récit mais des blagues mal racontées car cinématographiquement trop longues.
Les Daniels sont certainement de jeunes gens brillants bourrés d’énergie créatrices, des
surdoués de la caméra capable de tout filmer mais au final le film est imbuvable. Et ces deux-
là, aussi talentueux soient-ils sur le papier gagneraient à mettre un peu d’ordre dans leur
scénario en ébullition.
Et au final car il faut le dire, après une telle débauche de moyens, de couleurs éclatantes, de
scènes de combats, d’effets spéciaux à travers le multivers, de donuts géants et de
références pop citées à tout bout de champs pour au bout du compte délivrer ce message
un peu benêt quand même : soyons gentil les uns avec les autres et l’amour est ce qui
compte le plus dans ce monde cruel.
Voici un film que l’on peut donc sincèrement aimer détester.
J’ai pourtant fait un rêve magnifique dans la nuit suivant la séance de EEAAO. Je me
promenais tranquillement et j’étais d’humeur très apaisé. Un homme venant à ma rencontre
me lance un ballon de rugby, une magnifique passe très pro avec un bel effet gyroscopique.
Je capte parfaitement le ballon et démarre alors une course sur un terrain de rugby géantqui vient de se matérialiser sous ma semelle. J’avance à grandes enjambés, le ballon sous le
bras et la foulée est puissante, véloce et de plus en plus puissante et véloce. Le terrain est
surdimensionné à la mesure de ma surpuissance et j’avance sans rencontrer de résistance
puisque je suis le seul joueur. Mais j’avance toujours plus vite en traçant des courbes
somptueuses et aucune fatigue, aucun essoufflement ne semble pouvoir me perturber. Je
vois bientôt les poteaux au loin et je redouble de vitesse pour aller vers eux, les contourner,
passer derrière eux et revenir en leur centre et enfin plonger et aplatir le ballon et scorer 5
points. Dans un calme toujours olympien, je me relève en reprenant le ballon et je m’attarde
un moment sur une inscription étrange à la surface du cuir ovalien. Je plisse des yeux car le
lettrage est petit et je vois ces quelques mots qui sonnent comme un slogan bien tempéré :
" Les Daniels Non Merci."
RigolettoLéal