Truly, Madly, Deeply

Pas sûr que je l'aurais vu si on ne me l'avait pas proposé, et ce alors que j'étais pourtant assez tenté : en tout cas, je ne regrette pas le déplacement et c'est bien l'essentiel. Après un début légèrement poussif nous interrogeant sur la suite, « Everything Everywhere All at Once » démarre, presque sans crier gare, son grand « show » complètement fou, qui ne s'arrêtera alors quasiment jamais. Presque impossible de tout comprendre ou de saisir tous les enjeux ou éléments du scénario : on ne nous en laisse absolument pas le temps tant le rythme va à 200 à l'heure, accentué par un montage dantesque. C'en est presque exténuant, mais le film est tellement riche, va tellement loin dans son « délire » sans jamais virer au n'importe quoi qu'il se révèle percutant, réjouissant, évitant toute leçon de morale pour placer, au contraire, quelques réflexions très intéressantes sur nos choix de vie, notre conditionnement dû à notre situation initiale, bien que probablement pas assez développé.

On pourra toujours discuter de certains choix, mais les réalisateurs tentent tellement de choses, ont tellement d'idées que tout ne peut pas parfaitement fonctionner, les Daniels s'en tirant globalement avec réussite. Il y a aussi (surtout?) ce mélange des genres, ces ruptures de ton assez stupéfiantes passant au film d'action pur à la comédie quasiment « trash » (mais (presque) jamais vulgaire), dans une logique souvent bande-dessinée, se plaisant à nous faire voyager à travers le temps et l'espace, passant de l'émotion à l'humour et vice-versa en une demi-seconde (voire accumulant les deux). Sorte d'antidote ultime au multiverse de Marvel, cette entreprise pourtant menée notamment par les frères Russo est une véritable bouffée d'oxygène, le vrai-faux blockbuster qu'on n'attendait plus, fait, certes, avant tout pour divertir, tout en gardant un vrai regard sur ses personnages, lui permettant de s'ancrer un minimum dans un contexte réel, où de nombreux spectateurs peuvent se retrouver.

Et quel plaisir de retrouver Michelle Yeoh en mère de famille criblée de dettes, dépassée, dont le peu d'expressivité est largement compensé par une beauté, une élégance, une sagesse semblant de plus en plus grande au fil des années, le parallèle entre sa carrière et les différentes vies (notamment professionnelles) qu'elle aurait pu avoir dans le film n'étant probablement pas anodin. Et les seconds rôles, que ce soit Stephanie Hsu, Ke Huy Quan ou Jamie Lee Curtis, prenant manifestement beaucoup de plaisir à être malmenée dans le récit, évoluant intelligemment à travers le récit (et les univers), sont étonnants. Les références, pourtant nombreuses

n'empêchent ainsi jamais la forte personnalité de l'œuvre, se justifiant toujours pas les choix esthétiques et narratifs. Dommage que les réalisateurs optent pour une fin aussi sage, certes apaisante mais assez facile au vu du déluge d'audace précédant, tant pis : si tout n'est pas parfait, « Everything Everywhere All at Once » restera clairement l'un des titres les plus salutaires en cette année 2022 presque exsangue de grandes réussites : de quoi l'apprécier à sa juste valeur.