Sorti en 1979 , Et la Tendresse , Bordel ! est une comédie de mœurs gentiment érotique bien dans son époque et qui de toute évidence bénéficie de toute la liberté de ton apportée par les films du Splendid mais également les œuvres de Bertrand Blier ou Joël Seria. Beau succès public lors de sa sortie, ce premier film de Patrick Schulman s'intéresse au sexe, à l'amour et plus globalement aux relations hommes /femmes à la fin d'une décennie marquée par la libération sexuelle et les prémices du féminisme militant. Quarante ans après le film reste toujours aussi pertinent et drôle même si sa liberté de ton qui n'a que faire du politiquement correct ferait aujourd'hui (à tort ou à raison ??) grincer bien des mâchoires un peu trop crispées.


Dans Et la tendresse ? Bordel ! nous allons donc suivre trois couples et trois "modèles" de relations amoureuses . Il y-a le couple phallocrate dont la relation est essentiellement sexuel , le couple tendre et amoureux avec une relation complice et amicale et le couple romantique et timide balbutiant les prémices d'une relation amoureuse. Des hommes et des femmes, des couples et de multiples rapports bien différents au sexe, à la tendresse et à l'amour ...


Même si elles s'inscrivent dans une thématique globale et qu'elles se croiseront parfois, il y-a presque trois histoires différentes dans le film de Patrick Schulman, trois façon de voir l'amour et le sexe à travers presque trois générations distinctes. La plus marquante car sans doute la plus polémique et la plus drôle est incarné par François (Jean Luc Bideau), un personnage qui finirait aujourd'hui crucifier au mur d'une salle d'une permanente d'association féministe. Phallocrate, machiste et obsédé sexuel François est une sorte de caricature du dragueur lourd et du mâle triomphant et dominateur dont l'un des exploits qui fait sa plus grande fierté est de savoir faire tourner sa bite comme les pales d'un hélicoptère. Un personnage parfois détestable et souvent attachant capable de draguer tout ce qui bouges en faisant des vers de poésie puis de contacter sa femme/maitresse dans un élan de romantisme pour qu'elle se lave les fesses en prévision de sa venue, le verbe haut et l'instinct bas. Le personnage est dessiné en très gras caractères et bien sûr certaines de ses répliques ou de ses comportements passeraient difficilement aujourd'hui comme lorsqu'il demande à sa nouvelle secrétaire "J'espère que vous n'êtes pas de ces féministes qui ne voient dans le viol qu'un odieux traumatisme", qu'il considère que les femmes se maquille et se font belles uniquement dans l'espoir de se faire sauter, qu'il drague des adolescentes ou qu'il humilie sa maîtresse en lui ordonnant de miauler correctement comme une chatte. On notera toutefois que le film réserve au personnage un sort bien peu enviable et qu'il apparait parfois comme un type un peu pathétique comme lorsque une bande jeunes gens se foutent ouvertement de son machisme triomphant. Patrick Schulman a aussi la très bonne idée de montrer durant le film une femme visiblement très portée sur la braguette et pendant féminin de François histoire d'équilibrer un peu les choses. Jean Luc Bideau est formidablement drôle et sa gouaille paillarde crispe autant qu'elle amuse dessinant un personnage finalement un peu plus complexe qu'il ne semble l'être au premier regard. Fatalement plus en retrait Carole (Marie-Catherine Conti) est presque une figure tragique de soumission et de dévotion par amour.


Le second couple incarne un peu plus le couple moderne et dans l'air du temps. Eva est infirmière dans une clinique psychiatrique qui traite essentiellement des patients souffrant des troubles affectifs, sexuels et comportementaux et son compagnon Luc vivote de petits boulots en petits boulots en s'occupant de la maison suite à la faillite de sa boîte. Un couple qui casse déjà les schémas traditionnelles avec un homme au foyer et une femme qui tient les cordons de la bourse mais surtout une relation très égalitaire basée essentiellement sur une complicité amicale et bon enfant de couple copain. On se saura jamais si ce couple est marié ou pas et on ne les verra jamais non plus avoir la moindre relation sexuelle comme si ce n'était aucunement une fondation de leur intimité. Le couple est incarné par la bien trop rare Evelyne Dress et un Bernard Giraudeau très à l'aise en beau gosse, la complicité évidente entre les deux acteurs et leur naturel font de ce couple de comédie romantique un très chouette duo de cinéma. L'aspect sexuel est donc mis à part et l'on assiste à une relation très tendre, très proche de l'amitié potache mais aussi très fusionnelle et respectueuse les deux faisant preuve par exemple d'une fidélité à toutes épreuves.


Le troisième couple est composé de Léo et Julie (Regis Porte et Anne Marie Philipe) deux jeunes timides, romantiques et maladroits qui tentent de s'apprivoiser dans un petit jeu de séduction très chaste et galant. Le film porte un regard amusé et amusant sur cette idylle qui tente de s'épanouir en toute innocence alors que tout autour le monde semble bien plus pragmatique et bien moins chaste. Julie se fera draguer par ce gros lourd de François tandis que Léo sera ouvertement allumé par sa jeune et charmante voisine, mais les deux tourtereaux finiront bel et bien ensemble et en couple même si dans une ultime pirouette mordante et ironique Patrcick Schulman nous montrera que l'avenir du couple est bien moins rose que leurs jeux de séduction. Les précieux sont un peu ridules mais ils sont également assez touchants dans leurs nombreuses maladresses et coquetteries qui se transforment en ressort de pure comédie.


Autour de ses trois axes de comédies, Patrick Schulman fait alterner son récit à l'écran avec fluidité et harmonie tout en jouant sur des effets de miroirs et des rupture de tons entre les différents couples. Le film comporte aussi des gags et des apartés humoristiques qui sont fait de fausses publicités digne des nuls avec un savon qui lave plus blanc, de séquences burlesques ou l'on achève des athlètes qui se sont cassé une patte, de l'humour noir avec une vieille que l'on sort et remet dans un placard ou absurde avec entre autres choses la présence dans un bistrot de deux bonnes sœurs enceintes jusqu'aux yeux venus commander un whisky au comptoir. Et la Tendresse ? Bordel ! est donc une très bonne comédie qui joue sur différents registres d'humour du plus léger au plus borderline (enfin surtout pour notre époque) avec une même redoutable efficacité. Sur un registre plus anecdotique Patrick Shulman qui est aussi scénariste et dialoguiste du film en signe la bande originale avec une de ses petites ritournelle assez typique des seventies qui vous reste bien en tête durant des jours.


Et la Tendresse ? Bordel ! est une très bonne comédie et parfait reflet de son époque. Par répercutions elle vient aussi 40 ans plus tard éclairer la nôtre car si l'amour, la vie de couple , les relations hommes/femmes demeurent un formidable moteur de comédie il est évident que la liberté de ton n'est plus tout à fait la même. Dommage car il reste primordiale de faire l'amour et l'humour surtout avec du poil autour.

freddyK
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le 6 janv. 2022

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