Il n’y a pas de logique narrative, le film laisse donc le spectateur libre de son interprétation ; il est davantage à ressentir qu’à comprendre car c’est un film plutôt intuitif que réfléchi. Ainsi est-ce que le film ne serait-il pas un seul et même rêve d’Henry ? Au début du film, la tête d’Henry apparaît en surimpression et remplit l’écran. Ce plan nous signifie peut-être que nous allons voyager dans l’esprit du personnage et que le film ne serait qu’un rêve. Ce n’est pas un récit articulé avec un début et une fin, mais plutôt une succession de scènes plus ou moins traumatiques. Le récit est linéaire. Dans le film, l'être humain est prisonnier de sa condition, et cherche en vain de s’en défaire. Mais la plupart du temps, Henry est rattrapé par ses cauchemars, c’est-à-dire les pleurs du bébé. Il y a une peur de la paternité et une phobie du corps. Les seuls personnages ayant une identité sont Henry et Mary ; la famille de Mary s’appelle X. « Le film est avant tout une trajectoire intérieure, celle de Henry, une sorte de métamorphose interne », une sorte de voyage initiatique. Le film comporte seulement trois cent répliques environ. Les quelques dialogues sont là pour montrer la superficialité des relations entre les personnages ; ce qui nous montre qu’Henry vit dans un monde où il n’y a pas de communication et dans lequel la seule solution aux problèmes se trouve dans un refuge imaginaire. David Lynch privilégie ainsi la force des images aux dialogues. Par exemple, le dîner chez les beaux-parents, ressemble à un interrogatoire, et les sentiments sont absents. De plus, Bill X pense davantage au diner refroidit qu’à l’avenir de sa fille se joue. Le présent est aseptisé ; tandis que la grand-mère enfoncée dans son fauteuil est le reflet du futur qui les attend. Le film se déroule dans une semi-obscurité, les intérieurs sont éclairés par des lampes ; ce qui montre au spectateur le côté sombre de l’histoire. On ressent l’influence de l’expressionisme allemand sur le traitement de l’image. Tout comme l’expressionisme, le film tend à déformer la réalité avec des visions angoissantes qui crée chez le spectateur une réaction émotionnelle. Henry vit dans un monde post-apocalyptique ; sur l'un des murs de sa chambre est accrochée une photo de champignon atomique. C’est un monde dans lequel il fait tout le temps nuit et les orages et autres intempéries sont omniprésentes. La nature semble avoir disparus sans soleil. Les personnages habitent une zone industrielle dévastée, un territoire vague plein de boue hantée par des bruits d’usine. David Lynch crée ainsi une atmosphère oppressante et étouffante. Le bébé d’Henry et de Mary est la victime des radiations de ce monde. Il en est de même pour « la dame du radiateur » ; elle représente un idéal pour Henry, et elle empêche la vie de se perpétuer en écrasant les embryons. Il y a une répulsion du père pour son fils. David Lynch utilise également tout au long du film des sons semblables à des sons organique, issus d’expériences et autres accessoires créés spécialement pour l’occasion, qui donnent à son film une atmosphère étrange et indéfinissable. « Pour moi, le son représentait la moitié du film. ». Il y a également la présence d’un « grondement » dans les basses. La bande sonore est non-réaliste ce qui confère au film une dimension fantastique, surréaliste. « Eraserhead est sans doute le récit d’un accouchement, d’une naissance et d’une métamorphose, celles d’Henry, mais aussi tout simplement, et plus métaphoriquement, celles du cinéaste David Lynch, prêt à prendre son envol après cette aventures extraordinaire. »

Ame-Stram-Gram
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le 12 sept. 2015

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