Qu'est-ce qui fait un film ? La question est indissociable de cette autre question : qui fait exister un film et lui donne toute sa valeur ?


Pour faire un film il faut une histoire, un scénariste, un dialoguiste, un réalisateur , des comédiens. Avec ces ingrédients on peut jeter les premiers jalons d'un film. Mais sans le concours d'un perchman attentif, adroit et inventif, d'un caméraman à l'oeil de lynx, d'un éclairagiste qui met en lumière et en ombre, d'un...,d'une..., des...., des...,de quelques...., d'un certain... , il n'y a pas de film sur notre écran. Et puis, il y a la script-girl, la discrète et fidèle script-girl qui est au film ce que le correcteur orthographique est au texte. Ils sont l'un comme l'autre toujours en embuscade, traquant l'accessoire qui n'est plus à sa place ou le pluriel et le verbe mal accordé, l'anachronisme ou la concordance des temps flottante, la distraction ou la répétition et la redondance


Bref, il s'agit là de tout ce que le générique à la fin du film nous invite à découvrir et que le spectateur assis dans la salle regarde parfois distraitement défiler sur l'écran et cela à la condition que le projectionniste n'ait pas rallumé l 'éclairage de la salle trop tôt. Si les lumières s'allument dès la fin de l'histoire, les spectateurs, qui ne craignent plus de se fracturer une malléole sur les marches des travées de la salle, quittent la salle rapidement sans se soucier des petites mains qui ont été les artisans attentifs du moment de plaisir qu'ils viennent de passer.


J'allais oublier de rappeler son existence, primordiale, celui sans qui rien n'existerait, celui qui donne au film son sens, sa mémoire, son existence même. J'allais oublier le plus important. J'allais passer sous silence ce personnage définitif sans qui aucun film n'existerait véritablement. Je veux parler du spectateur confortablement installé dans un siège de skaï ou de velours rouge ou vautré dans un fauteuil défoncé pour avoir trop servi.


Evoquer, raconter un film, c'est d'abord présenter une histoire, se laisser séduire par une interprétation ou subjuguer par la patte inoubliable d'un réalisateur. Les petites mains tiennent rarement la vedette et puis un jour un nom s'est imposé et s'est retrouvé sur toutes les lèvres. Michel Audiard, sa gouaille et ses bons mots devenaient la vedette des films auxquels Jean Gabin, Lino Ventura, André Pousse et bien d'autres ne prêtaient que leurs voix, leurs mines et les regards qui allaient avec.


Le cinéma ne devait pas s'arrêter en si bon chemin quand soudain Jean Paul Belmondo mais surtout ses cascades audacieuses ont fait irruption sur les écrans et ont parfois été jusqu'à occulter l'histoire du film elle-même. Michel Audiard, Jean Paul Belmondo empruntaient les voies ouvertes par Buster Keaton et Charlie Chaplin. Les dialogues du premier, les cascades du second s'inscrivaient dans la lignée des gags des derniers ; ils étaient des marques de fabrique et les véritables signatures du film.


Ennio Morricone est d'abord un musicien puis un compositeur et un chef d'orchestration de musiques et de sons divers.


Pour une poignée de dollars (1964), Et pour quelques dollars de plus (1965), Le Bon, la Brute et le Truand(1966) et pour couronner l'ensemble Il était une fois dans l'ouest en 1968 vont non seulement consacrer un genre cinématographique que certains ont qualifié de manière méprisante de western spaghetti, d'autres plus respectueusement de Western Opéras.


Ennio Morricone a écrit et mis en scène la bande son des quatre films cités en en faisant ...un personnage à part entière. Des musiques de films reconnaissables entre toutes et connues de chacun. Des musiques faites de partitions proprement musicales, de sons de la nature et de la vie quotidienne qui contribuent à raconter une histoire interprétée par des comédiens quand la bande sonore ne raconte pas elle-même l'histoire.


Cependant réduire ce que Ennio Morricone nous a offert au seul univers du film d'aventures serait profondément injuste. Il y a des films que j'ai aimés pour une raison ou une autre, en ayant oublié que Ennio Morricone était l'auteur de sa bande sonore. Quand je les revois, je devine la présence du maître non pas seulement à la couleur ou à l'éclat du son mais à sa contribution narrative, ses respirations, son souffle et ses ponctuations. En écrivant ses mots, des titres se bousculent dans ma tête. Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore, I...comme Icare de Henri Verneuil, Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, Mission de Roland Joffé, le Professionnel de Georges Lautner et les autres, tous les autres.


Ennio est une biographie artistique de Morricone par le réalisateur Giuseppe Tornatore justement. Un double hommage au cinéma et à la musique de film. Cinéma Paradiso en 1991 et Ennio en 2022, jamais l'un sans l'autre et vice-versa. Au mur vous mettrez peut-être l'affiche du film ou la photo du comédien mais dans votre for intérieur vous garderez la musique de Morricone.

Freddy-Klein
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le 4 août 2022

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