Le film s'ouvre sur un port de bras filmé en gros plan sous la lumière bleue des projecteurs. Pendant les quinze premières minutes du film, nous regardons la scène et les coulisses du ballet au cours duquel Élise va se blesser. Après cette ouverture sans parole, puis un générique à la James Bond qui fait rencontrer l'univers du ballet avec de la musique électro, je me dis que Klapisch va nous proposer un film à mi-chemin entre le film grand public et le film d'art et d'essai. Bon, j'ai vite compris que j'allais être déçue : c'est un film plutôt facile, certes sympa à regarder, mais qui aurait pu être vraiment plus intéressant. Je mets un 6 car j'ai quand même passé un bon moment, mais j'ai failli mettre 5 par frustration.


Je commence par ce qui m'a semblé réussi :


De manière générale, j'ai trouvé les scènes de danses bien filmées. J'ai apprécié que Klapisch laisse du temps et de l'espace à ces scènes. Que ce soit lors du ballet d'ouverture ou lors du spectacle de contemporain à la fin, nous avons une certaine vue d'ensemble et non des petits morceaux comme dans d'autres films sur la danse. Cela permet d'approcher un peu l'émotion que l'on peut ressentir face à un spectacle, qui vient notamment de l'alternance entre les silences et la musique, des moments forts d'arrivée des personnages, de la montée progressive de l'émotion etc.


C'est bien d'avoir pris une vraie danseuse (première danseuse à l'Opéra de Paris) pour le rôle principal. D'une part ça permet de filmer la danse sans coupe car elle n'est pas doublée. Mais au-delà des scènes de danse, ça apporte de la crédibilité au personnage : son corps a été façonné par la danse, sa posture, sa gestuelle et même son regard en sont marqués.


De manière générale, le film se regarde bien, j'ai passé un moment agréable. On accompagne progressivement Élise dans sa reconstruction, qui passe par des rencontres, une retraite initiatique, la découverte d'une autre forme de danse... Les rapports aux autres personnages et les notes d'humour sont très convenues, mais globalement si on se rend disponible à ce type de divertissement, disons que ça fonctionne.


J'ai positivement aimé la manière de raconter la romance avec Mehdi. C'est très pudique, ce n'est pas verbalisé, parce que pas besoin. Dès qu'on a vu Mehdi au 104, j'avais envie de le revoir, et quand il arrive au gîte, ça prend direct. La scène du baiser m'a bien embarquée aussi, c'est tout simple mais très réussi.


Maintenant, ce que j'ai trouvé frustrant :


Je regrette qu'on n'ait si peu parlé du corps alors que c'est censé être le cœur du film. On est face à un film qui parle d'une danseuse classique professionnelle qui se blesse, et finalement, à part quelques scènes gênantes chez le kiné (car le kiné est attiré par elle, beurk), on n'a pas du tout accès à ce rapport si particulier au corps. Klapisch aurait pu plus filmer ce que fait le corps (et ce qu'on fait au corps) dans la danse. Le coup de pied dans la pointe, les muscles qui se tétanisent sur certains mouvements répétitifs ou tenus, la transpiration, les corps qui se rencontrent dans les pas de deux, les corps qui se touchent voire s'enlacent dans le contemporain. On ne ressent pas les sensations physiques des danseurs.


J'ai eu le sentiment qu'on passait à côté de l'angoisse d’Élise sur la première partie du film. J'avais lu le livre de Dorothée Gilbert qui parlait des blessures des danseurs : c'est la hantise, l'angoisse suprême. Dans le film, Élise est certes dans le mal quand elle apprend le diagnostic, mais finalement ensuite, même si elle a l'air un peu dégoûtée, ça n'a pas l'air d'être si dur que ça. Purée, la meuf a seulement 26 ans et est première danseuse à l'Opéra de Paris : elle a donc littéralement sacrifié toute sa vie pour ça. Apprendre un tel diagnostic devrait être beaucoup plus violent que ça, quelle que soit la forme que prend la douleur (abattement, larmes, colère…).


Je disais plus haut que ça se laissait regarder, mais si on est plus exigeant, on est forcé de constater que les personnages ne sont pas très intéressants. Aucun personnage n'est creusé en tant que tel, ils existent uniquement dans leur relation à Élise, et il n'y a rien de très profond dans les relations proposées. Typiquement son père est froid et elle voudrait qu'il lui dise qu'il l'aime, ok, classique.


La relation au kiné m'a vraiment écœurée, or c'est présenté comme marrant, ce que je trouve problématique. Dans la mesure où le kiné est attiré par elle et continue de la manipuler en sous-vêtements, il aurait été bon par un moyen ou un autre de dire au spectateur que c'est pas du tout ok et qu’Élise n'a pas à accepter ça.


En conclusion, un film globalement sympathique à un regarder mais qui aurait pu être bien meilleur.

Prince-Mychkine
6
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le 13 avr. 2022

Critique lue 104 fois

Prince-Mychkine

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