Après plus de trois décennies derrière la caméra, Cédric Klapisch prouve que les années n'ont nullement entamé sa vivacité et sa fraîcheur. Et Dieu sait qu'il en faut pour réaliser un film sur la danse. Sur celle en général, qu'elle soit classique ou contemporaine. L'aspect technique cinématographique doit être à l'unisson avec toute l'énergie, toute la virtuosité de cet art si beau, si fascinant, si difficile, si exigeant.


C'est avec plaisir que j'ai vu que le cinéaste a su exploiter ses qualités habituelles dans ce but. Même les génériques de début et de fin apportent leur contribution à cette puissance de feu, parfois, avec succès, par l'intermédiaire du contraste détonnant d'une certaine imagerie avec une musique d'un univers opposé.


Et il y a l'humain, le relationnel. Et Klapisch, il est dans son élément aussi pour ce qui de mettre en exergue des individualités et des interactions de groupe. J'aurais juste une petite réserve qui constitue pour moi le seul défaut d'écriture m'ayant fait un peu tiquer. Cela n'empêche nullement le film d'être très bon, comme je ne vais pas manquer de le souligner plus tard.


Donc, pour le reproche. Passe encore que la protagoniste, au contraire d'une partie non négligeable de la gent féminine, ne fonde pas devant le charme de François Civil. Même si c'est un peu dommage, car j'ai ressenti une belle alchimie lors d'une séquence de massage (oui, le personnage incarné par Civil est kiné !) entre le comédien et la comédienne principale. Bon, on serait passé aussi à côté d'une expression de déception amoureuse à mourir de rire de la part du beau gosse à un moment donné.


Par contre, pour l'objet de la flamme de notre amoureuse, il aurait peut-être fallu prendre le temps de l'introduire dans le scénario (Ce n'est pas comme si Klapisch et son coscénariste Santiago Amigorena n'était pas capable de le faire en peu de temps par rapport à la durée du long-métrage ; les exemples qui me viennent en tête de ce fait sont le danseur qui a subi lui aussi un accident ou encore le chef de troupe ne parlant qu'english !) pour que la liaison ne semble pas débarquer de nulle part. Autre chose, il est bien gentil Medhi (oui, il s'appelle Medhi !), mais celui qui le joue n'a aucun charisme. Et pour le spectateur connard que je suis, seul un être charismatique a le droit de pécho l'héroïne d'une œuvre de fiction. Oui, parce que si quelqu'un est fadasse, le spectateur connard que je suis ne veut rien à avoir affaire avec lui. Puisque le spectateur connard que je suis doit accepter naturellement, sans ressentir le besoin de se poser de questions, comme allant de soi, que notre star du ballet craque pour untel. Ce qui n'est pas le cas avec Medhi.


Bon, je reviens enfin aux qualités.


Il est beaucoup plus facile de transformer une danseuse en une actrice que l'inverse. Dans cette optique, la première danseuse de l'Opéra de Paris, mais totale débutante du septième art qu'est Marion Barbeau s'en tire avec les honneurs en ballerine (nommée Élise !) devant se reconstruire physiquement et mentalement face à un accident de la vie, voulant encore s'exprimer dans sa passion avec ce corps, dont la grâce et la souplesse sont ses alliées, dont la fragilité est son ennemi.


Et pour donner encore plus de corps (désolé !) à cette volonté de surpassement, avec ses hauts, ses quelques bas, on peut compter sur des seconds rôles très drôles et touchants. Mentions spéciales à François Civil, à Pio Marmaï (remarquablement fendard quand il s'agit de mimer une scène de film d'horreur !), à Denis Podalydès (en père qui ne sait pas comment exprimer son affection pour sa fille !) et à Muriel Robin (étonnante de justesse en reboosteuse de moral boiteuse !). Les instants de groupe dégagent aussi une chaleur humaine qui fait du bien. Normal, on est chez Klapisch.


C'est le schéma récurrent du Monsieur, à savoir prendre un personnage principal, le confronter à un fait qui perturbe son existence, s'en servir comme prétexte pour l'introduire à une mosaïque de caractères hauts en couleur et pour lui faire traverser des tranches de vie qu'il n'aurait jamais connus sans cela (symbolisé par le passage du classique au contemporain !). Seule la toile de fond change et apporte sa particularité (ici la danse évidemment pour le cas précis d'Élise !). Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne, là aussi, En Corps.

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le 28 mars 2022

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Plume231

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