Un film qui ne fait qu'effleurer de multiples thèmes dont chacun pourrait être le sujet d'un film très démonstratif: la bipolarité, l'amour qui ignore les barrières de l'âge ou de la race, la fin de l'amour conjugal et sa quête de substituts mi affectifs, mi sexuels, le populisme raciste, les solitudes, le suivi médical assuré par les psychiatres, le déclin des salles de cinéma des années 30, le destin des cités balnéaires qui s'assoupissent...

Un cinéma qui fut magnifique (la salle Dreamland, à Margate, dans le Kent) mais dont seules deux salles sont encore ouvertes est le point de rencontre et d'attache de quelques personnages tous un peu décalés, qu'il s'agisse d'Hilary, maniaco-dépressive, de Norman, de Nell ou de Donald.

En dehors de l'héroïne, la plupart ne ne sont qu'esquissés, on ne sait pas grand chose de leur vie au delà du cinéma, ni de leur histoire. L'arrivée de Stephen, jeune Noir qui prend un job après avoir échoué à entrer à l'université, va rompre leur routine un peu déprimante.

Il offre à Hilary puis à Norman une échappée de leur solitude et de ce quotidien qui paraît de plus en plus hors du temps, et donne à Hilary la confiance d'abandonner le traitement au lithium qui la stabilise...

Deux évènements font irruption dans ce monde immobile ou presque: l'avant-première "à l'ancienne" des Chariots de feu, qui fait l'espace d'une soirée de gala retrouver le faste des années 30, et une manifestation de skinheads, qui tourne mal. L'avant-première marque une phase maniaque qui va entraîner une nouvelle hospitalisation d'Hilary. L'agression par les skinheads fait apparaître la mère de Stephen dont on sent qu'elle réprouve son aventure avec Hilary, sans issue à plusieurs égards, même si elle est consciente qu'elle a fait mûrir son fils.

Le film s'achève sur un retour à la normale, chacun ou presque retrouvant sa place dans ce cinéma et cette ville qui paraissent, à nouveau, hors du temps.

Très belle photographie, notamment des grands espaces presque vides (la salle de bal, la grande piscine d'eau de mer) ou d'une allée arborée ensoleillée qui conduit hors de ce monde. Olivia Colman, si elle joue bien les phases dépressives, comme la fragilité d'un équilibre instable lors de son discours, n'atteint qu'une poignée de secondes l'égarement d'une phase maniaque. Toby Jones est très bien en ours bourru qui finit par apprivoiser le nouveau venu; quant à Tom Brooke, sa gueule accentue le caractère décalé de l'équipe du cinéma. Tanya Moodie fait forte impression. Le jeu assez peu expressif de Micheal Ward renforce l'idée d'un visiteur de passage.

Le film apparaît être moins un hommage au cinéma d'antan, à ses ouvreuses et à son pop-corn, qu'une vision assez fine et subtile des relations humaines. Norman file ainsi une métaphore assez poétique sur le mouvement des images qui rend la vie supportable. Rester à la surface des personnages comme le fait Sam Mendes est alors moins un défaut qu'une illustration: que sait on finalement des gens que l'on côtoie, que l'on aime, que l'on soigne, et peut-on vraiment les comprendre?

Oblo
7
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le 6 avr. 2023

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Oblo

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