Emancipation
6.1
Emancipation

Film de Antoine Fuqua (2022)

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[Les Blancs nous ont menti avec leurs images. Aussi, notre tâche sera d’affirmer que l’Africain est un être humain, que ses valeurs peuvent servir aux autres et que la connaissance africaine est à verser au socle commun qui constitue le patrimoine mondial de l’humanité.] Voilà ce que dit récemment le cinéaste malien Souleymane Cissé sur les films historiques qui n'ont pas forcément lieu d'être en regard de tout ce qui devrait être montré du présent et que Antoine Fuqua semble perdre de vue dans un récit qui n'amène aucune vraie réflexion. Snoop Dogg disait déjà à la sortie du remake de la série des années 70 sur l'esclavage Roots : à quel moment va t-on nous proposer des séries qui parlent des succès des noirs ? S'il est toujours nécessaire de rappeler leur condition avant leur -supposée- libération à la fin du XIXè siècle, le cinéma a tendance à les cantonner toujours dans cette soumission et Fuqua de nous resservir un pan de l'histoire sans grande originalité, oscillant entre le succès et la hargne de l'homme avec le portrait de l'esclave soumis à la vindicte des orgueilleux, sauver par Lincoln et par la Foi, pour finir soldat.

Peter, déjà esclave dans un champ de coton, sera donc vendu au pire d'entre tous, séparé de sa famille, et finira de s'échapper pour rejoindre l'armée du nord, en guerre contre le Sud ségrégationniste.

On ne peut qu'être de tout cœur avec cet homme qui aura véritablement existé en se demandant bien le fort pourcentage de la part de fiction.

Volontaire et courageux, seul Will Smith existe à l'écran. Aucun autre rôle n'aura suffisamment de matière. Tous passent et trépassent et même cet homme ayant réellement existé, semble avoir disparu du portrait. Si  Benedict Cumberbatch dans 12 years a slave pouvait se sortir d'un rôle peu réjouissant, ce n'est pas le cas de Ben Foster au cliché de l'esclavagiste, fumeur de pipe et à la gâchette facile. Malmené par un père raciste qui en une seule phrase aura changé le jeune garçon solidaire en brute épaisse, cet homme saluant l'intelligence des noirs comme ultime danger, se vautrera lui-même dans une caractérisation des plus stupides. Le réalisateur aura tendance à user de dialogues sans finesse pour faire exister ses personnages et rendre un récit des plus manichéen.

On sera surpris également de la redondance des mêmes lieux à la chasse à l'homme, où ceux censés se séparer sont toujours ensemble, où les chiens disparaissent du récit, et où à chaque fois malgré la course effrénée de Peter, tous se retrouvent aux mêmes endroits.

Avec un travail sur un noir et blanc limpide et une belle photographie de Robert Richardson qui séduit, une sur-exposition aux teintes, musique et ralentis, cachent le peu de discours par une mise en scène qui en restera pourtant bien classique. Fuqua joue alors de ses décors qui inviteraient au voyage si ce n'est serpents et autres crocodiles que l'on a tendance à oublier dès lors que la survie prend le pas sur le danger, et quelques scènes violentes pour relancer le rythme, notamment dans les confrontations face aux dangers des marais pour un portrait presque christique de l'homme que rien ne peut stopper.

Mais les expressions de l'acteur grognant et se déplaçant comme un animal, risquent de ne pas faire plaisir par l'imagerie qui en ressort. Excessif dans son jeu, visage renfrogné, c'est pourtant l'excès de sentimentalisme qui prévaut. De cette humiliation constante pour les familles considérées comme des bêtes de somme, que l'on sépare avec jouissance, c'est le poussif que le réalisateur atteint avec la scène d'une enfant, moribonde, qui offrira à Peter sa croix en pendentif qui le sauvera de ses assaillants.

Ce seront ensuite les scènes de guerre qui n'en finissent pas de révéler encore quelques envolées où rien ne peut atteindre notre héros, traversant les champs de bataille, en ligne droite pour aller régler le problème.

De cette ambiance pesante au départ c'est bien l'ennui qui gagne au fil du récit. Que reste-t-il si ce n'est son scénario US d'un homme qui devra sauver sa famille ?

limma
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le 10 déc. 2022

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