Attention aux spoils


"Sans grande conviction pour le moment" indiquais-je en mettant ce film en envie le 7 janvier 2019... Un an plus tard, il trônait en tête de mes attentes pour l'année 2020 devant des pointures telles que le prequel de Kingsman, le nouveau James Bond ou encore Black Widow (pour 2020 oui, c'était l'ancien monde...). Il a même fini par s'imposer comme un des films que j'ai le plus attendus de ma vie, sans doute devancé uniquement par les derniers Star Wars, le diptyque Infinity War - Endgame et peut-être Captain America : Civil War. Il faut dire que le casting s'est petit à petit révélé impressionnant : je me rappelle de ces quelques semaines de début 2019 pendant lesquelles les annonces de noms connus, réputés et - c'est le plus important - appréciés s'enchaînaient de manière très excitante. Timothée Chalamet (que je connaissais à peine à l'époque mais que j'ai ensuite vu dans Le Roi) en personnage principal, Rebecca Ferguson (Mission : Impossible, Reminiscence), Oscar Isaac (Poe Dameron dans Star Wars et des rôles dans pas mal de films que j'aime), Zendaya (magnifique et pétillante MJ des Spider-Man de Tom Holland), Josh Brolin (Thanos, Sicario, Deadpool 2...), Jason Momoa (Aquaman, See), Dave Bautista (Drax chez Marvel, 007 Spectre, Blade Runner 2049 et depuis quelques semaines également See), Stellan Skarsgård (Bill le Bottier dans Pirates des Caraïbes, Erik Selvig dans le MCU, Chernobyl) ou encore Javier Bardem (inoubliable antagoniste de No Country for Old Men et Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar) pour l'entourer... Impressionnant donc, à l'époque déjà et forcément encore plus deux ans et demi plus tard après avoir découvert plusieurs des œuvres que j'ai citées. Cette distribution magnifique n'était cependant bien évidemment pas la seule raison de cette hype immense. Je n'ai pas lu le livre de Frank Herbert mais sa réputation parlait pour lui : le matériau de base semblait de qualité. L'univers et l'histoire m'intéressaient beaucoup et je ressentais d'ailleurs depuis longtemps une certaine frustration vis-à-vis de l'adaptation de David Lynch, que je n'ai pas vue mais qui n'a pas bonne réputation (on peut dire qu'elle s'est fait Lyncher... ça c'est fait) alors qu'elle avait sur le papier tout pour me plaire. Enfin, le chef d'orchestre de ce space opera n'était autre que Denis Villeneuve (Gégenne Asnières on casse toutes les barrières on...), réalisateur du bon mais assez surestimé à mes yeux Premier Contact, de l'excellent Sicario et surtout du magistral Blade Runner 2049, qui était déjà un projet de science-fiction aussi risqué qu'ambitieux et qui m'avait mis une vraie claque. J'ajoute que les bandes-annonces m'avaient beaucoup plu (davantage que l'affiche hélas pas très belle) et renforçaient mon impatience à l'instar, pour couronner le tout, des premiers retours Dune critique qui semblait conquise.


Après avoir été comme tant d'autres films reporté à cause de la pandémie de Covid-19, Dune sortait enfin en France en cette mi-septembre 2021, un mois avant d'arriver sur les écrans (et pas que les grands...) américains. Encore mieux, des avant-premières étaient organisées dans tout le pays, y compris dans mon cinéma - qui avait d'ailleurs affiché un texte très enthousiaste au sujet de l'événement de cette rentrée - et c'est donc tout naturellement que je m'y suis précipité, faisant ainsi une croix sur une soirée Ligue des Champions... C'est dire à quel point je voulais le voir le plus tôt possible. Fort heureusement, la qualité était au rendez-vous et je ne regrette pas mon choix même si cette fessée reçue par le Barça aurait été très amusante à suivre mais je pense que je m'égare un peu.


Je suis sorti de la séance un peu frustré de ne pas avoir eu le monument que j'espérais (je pense qu'il y avait vraiment le potentiel pour que ce film devienne un de mes préférés) mais bien évidemment très satisfait dans l'ensemble, ma note de 9 étant assez parlante. Mon père n'ayant pas pu venir à l'avant-première, je suis allé le revoir avec lui le lundi suivant alors que je ne revois jamais si rapidement les films en temps normal et, malgré la promiscuité temporelle avec mon premier visionnage, j'ai une nouvelle fois pris plaisir devant le dernier-né de la Warner. Mon premier avis n'en a été que renforcé et m'a surtout permis d'envisager puis de confirmer la rédaction de cette critique, à ma grande satisfaction puisque j'avais été un peu déçu après ma découverte du film de ne pas avoir assez de choses à dire pour en écrire une. J'en écris en effet malheureusement très peu et il eût été dommage de manquer cette occasion. Mais je parle, je parle (certains d'entre vous sont habitués...), commençons donc réellement cette critique.


Tout d'abord, l'univers. Ce système interplanétaire dirigé par un mystérieux empereur rappelle très fortement Star Wars (enfin c'est plutôt l'inverse puisque le roman est sorti avant), ce qui ne peut être qu'une grande qualité pour moi quand on sait à quel point je vénère la saga de George Lucas. Je pense que cet univers aurait pu être davantage développé - j'y reviendrai ultérieurement - mais ce qu'on nous propose est déjà très riche. La désertique Arrakis, qui ressemble beaucoup à Tatooine, nous offre de beaux décors, qualité que l'on peut étendre à l'ensemble du film qui s'avère très joli comme on pouvait s'y attendre après la splendeur esthétique exceptionnelle de Blade Runner 2049. J'aime aussi beaucoup l'organisation en maisons avec ces familles rivales qui règnent chacune sur leur planète. Ce terme de "maisons" est d'ailleurs une des références historiques dont l'œuvre est empreinte, élément qui m'a évidemment ravi. Les légions criant "Atréides" m'ont notamment fait penser à l'Antiquité alors que la fonction de maître d'armes et la scène où Duncan s'agenouille devant Paul pour lui signifier son allégeance ont une forte connotation médiévale.


L'histoire ne pouvait aussi que me plaire avec cet affrontement entre maisons, la chute des Atréides, la révélation d'un leader... Ce leader justement est donc incarné par Timothée Chalamet (avec lequel on peut allumer gros pilon) qui arrive à faire de son personnage un héros charismatique et prêt à assumer ses fonctions mais aussi d'un certain côté fragile et rempli de doutes. Cette dualité était d'ailleurs déjà visible dans le Henry V du jeune franco-américain dans Le Roi. Notre protagoniste se voit dans l'obligation de sortir de l'ombre pour faire face aux différents obstacles qui se mettent sur son chemin : Paul emploie (vous l'avez ?) les pouvoirs spirituels qu'il tient de sa mère pour défaire la douleur provoquée par la Révérende Mère du Bene Gesserit et ainsi prouver sa valeur (quoi de plus normal que de tester the pain chez Paul ? merci à Écran Large pour m'avoir inspiré cette blague) avant d'assumer le rôle de duc après le décès de son père... même s'il n'a plus grand monde à diriger. Il traverse Arrakis, sur laquelle il ne semble pas faire un froid Paulaire, pour aller à la rencontre de ses visions, de son destin et surtout de Zendaya et semble prêt à mener la lutte aux côtés des Fremen (et pas des Femen heureusement). J'ai une seule réserve, certes minime, vis-à-vis de ce personnage : il a l'air de n'avoir que peu d'attrait pour le protocole. J'ai en effet trouvé un peu étrange qu'il se jette au cou de Thufir Hawat lors Dune arrivée officielle et ai été étonné de ses interventions pendant la rencontre avec Stilgar qui donnaient l'impression que c'est lui qui était en charge.


Oscar Isaac trouve pour moi en Leto Atréides son meilleur rôle, de ce que j'ai vu de sa filmographie en tout cas, une fois que l'on a accepté son prénom qui risque de faire faire des cauchemars à de nombreux amateurs de rap. Il est en cela aidé par sa barbe qui lui confère un air de sagesse et un charisme certain et bien sûr par la caractérisation de son personnage, dirigeant juste et droit, conjoint et père aimant. J'ai aussi beaucoup aimé Josh Brolin en vieux connétable bourru et je trouve très dommage qu'il meure hors champ ou en tout cas de manière difficilement visible (cette scène étant très sombre), il méritait plus glorieux. Duncan Idaho connaît lui une mort spectaculaire, digne de ce guerrier dévoué que j'aurais préféré voir conserver sa barbe tout le long du film. Je trouve en effet que cela rend Jason Momoa beaucoup moins badass que dans Aquaman ou See. Le baron Harkonnen a un rôle assez secondaire mais marque par son apparence et je n'ai pas forcément grand-chose à dire sur le personnage de la belle Rebecca Ferguson. Plusieurs stars font malheureusement de la figuration : Zendaya (pour laquelle cela avait été annoncé), Bardem et Bautista n'apparaissent que très peu. Les deux premiers seront toutefois sans aucun doute davantage présents dans la suite. Le docteur Kynes est rendu intéressant par son ambiguïté : censée représenter l'Empereur, elle s'avère être devenue une Fremen et ceci aurait mérité un développement beaucoup plus approfondi. À noter que Kynes est un homme dans le livre ; n'ayant pas lu ce dernier ce changement ne me dérange pas outre-mesure mais sur le principe je ne peux pas approuver, quand on adapte une œuvre on doit se soumettre aux contraintes qu'elle engendre et tant pis s'il y a peu de femmes. Je termine ce paragraphe sur les personnages en signalant que j'ai apprécié de revoir Babs Olusanmokun, marquant Damian de Too Old to Die Young, qui joue le Fremen tué par Paul.


Sur le film en lui-même, un constat s'impose : c'est absolument grandiose. J'ai un peu de mal à expliquer ce qui me fait dire ça mais c'est quelque chose que j'ai vraiment ressenti, surtout lors de mon deuxième visionnage. Ces enjeux, cette tragédie qui se noue, ces armées, cet environnement, ces bâtiments, ces vaisseaux, ce "We are House of Atreides. There is no call we do not answer, there is no faith that we betray"... La prouesse est d'autant plus grande qu'il n'y a pas de scène particulièrement marquante. Je retiens néanmoins l'attaque bien sûr mais aussi le sauvetage des hommes de la moissonneuse. Les vers géants sont d'ailleurs un élément notable du métrage, sortes de gardiens ultimes du désert, en cas d'attaque la planète peut avoir confiance en la gueule de son désert et en Zizou dans les arrêts de jeu. Gueule qui m'a au passage fait penser à celle du Kraken face à Jack Sparrow, là encore la comparaison ne peut être que positive.


J'ai dit que ce film était grandiose et il l'est, indéniablement. Malheureusement, je n'ai en revanche pas réussi à le trouver épique. Comme je l'ai mentionné, l'absence de scènes réellement marquantes permet de mettre en exergue la réussite de l'ensemble de l'œuvre au niveau du grandiose mais elle ne saurait être considérée comme un point fort de manière plus générale. Le concept de faire un blockbuster sans action ou presque (on a simplement un combat et une bataille qui aurait pu être magnifique mais est plutôt escamotée) est très intéressant, c'est bien de varier et de tenter des choses mais force est de constater que ça manque... ou en tout cas que ça me manque bien que je ne me sois absolument pas ennuyé. C'est dommage parce que j'attendais beaucoup du film sur cet aspect épique.


J'ai beaucoup lu que Dune était une superproduction dans l'air du temps qui faisait passer différents messages adaptables à notre société actuelle. Je dois dire que j'estime que les thèmes concernés sont évoqués plus que vraiment abordés. Il ne suffit en effet à mon sens pas de faire tourner l'histoire de son film autour Dune épice à récolter pour en faire un film écologique, pas plus qu'il ne suffit de faire une phrase à propos des envahisseurs pour en faire un film anticolonialiste ou de lâcher quelque chose comme "ils attendent le Messie parce que vous leur avez inculqué cette idée" pour en faire un film sur la religion. À propos de religion j'ai été étonné de voir les Fremen attendre le «Mahdi» : je n'ai pas le sentiment qu'une référence si évidente à l'islam - où à toute autre religion - ait sa place dans un univers certes futuriste plutôt que parallèle mais quand même très éloigné du nôtre, j'ai en tout cas trouvé cela un peu bizarre. Cependant, si ce n'est peut-être ce dernier point qui reste très secondaire, rien de cela n'est un reproche que je fais au film lui-même, je voulais simplement réagir à ces arguments que j'avais vu passer.


J'ajoute également n'avoir pas été spécialement emballé par les pouvoirs mystiques des Bene Gesserit et de Paul (S/O Rodrigo), la Voix me rappelant trop la Force de Star Wars (même si là encore je sais que cela ne saurait être un reproche honnête puisque Dune existait avant Star Wars), mais ils ne m'ont pas non plus trop dérangé, d'autant plus qu'ils ne sont pas au cœur du récit.


Comme je le disais au début de cet avis, j'ai le sentiment que cet univers foisonnant aurait pu être plus développé, sentiment renforcé par ce qu'en dit l'ami Newt23 : "Beaucoup d'aspects politiques du roman sont ainsi négligés - notamment ce qui touche à l'empereur et aux Harkonnens". J'aurais effectivement aimé voir comment l'univers était régi, un peu comme dans la prélogie Star Wars dont les nombreux éléments Paulitiques ont été beaucoup critiqués alors qu'il en sont justement pour moi une des grandes qualités. Il est cependant évident que tout ne pouvait pas rentrer dans un seul film et qu'il faut bien faire des choix. J'espère que cet aspect sera davantage abordé dans la suite, dans la série spin-off sur les Bene Gesserit... ou pourquoi pas dans d'autres films ? Le champ des possibles est infini, même en se limitant à adapter les romans puisqu'ils sont nombreux. On se contentera néanmoins pour le moment de cette deuxième partie dont l'officialisation dépendra du succès de la première... Espérons que ce dernier soit au rendez-vous (les chiffres français incitent à l'optimisme mais le juge de paix sera évidemment américain) tant il serait parfaitement surréaliste qu'elle ne voie jamais le jour. Elle devrait se concentrer sur l'intégration de Paul chez les Fremen, ce n'est pas ce qui me hype le plus - j'ai un peu peur du côté "cheminement intérieur" - mais le "Kill them all" du baron Harkonnen, la bataille teasée par la vision de Paul, la perspective de beaucoup plus voir Zendaya et les enjeux de façon plus générale sont là pour me rassurer.


Certains trouveront peut-être que cette critique n'est pas aussi enthousiaste que ma note pouvait le laisser imaginer et je ne peux que les comprendre puisque c'est pour cela que j'ai hésité avant de commencer à l'écrire : je n'arrivais pas à définir entièrement ce qui m'avait fait aimer ce film. Ne vous y trompez cependant pas, j'ai adoré ce que je ne suis pas loin de considérer comme un grand film... et j'attends désormais la suite de pied ferme.


J'ai réfléchi à un titre pendant très longtemps et étais satisfait de celui que j'avais fini par trouver... avant de constater une petite semaine plus tard que Sergent_Pepper avait le même. Je tiens donc à préciser que je ne l'ai bien sûr pas copié et suis dans un sens encore plus satisfait de ce titre, si le membre le plus suivi du site a les mêmes idées que moi...

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le 28 sept. 2021

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Donatien92600

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