L'avantage de voir les films après tout le monde (et merci encore, Arte) c'est, comme le petit verre qu'on s'offre après le départ des invités, qu'on est tranquille pour apprécier.

Et alors, appréciai-je ?

Oui et non.

Il faut dire d'abord qu'on est au moindre degré possible de l'exotisme. Le Japon, c'est l'Extrême-Occident comme chacun sait, mais voilà qui est porté loin dans ce film où les personnages réfléchissent à la meilleure adaptation de Tchekhov, conduisent une jolie Saab évidemment vintage, vivent leur sexualité à cœur ouvert (si j'ose dire), habitent dans un décor scandinave (chic)... Bref, c'est la politesse japonaise croisée avec l'égotisme de la bourgeoisie intellectuelle occidentale. Voire, c'est une ode à la bourgeoisie intellectuelle internationale. Unissez-vous, bourgeois de gauche de tous les pays !

Je me moque un peu mais ce n'est pas méchant, car tout ça est quand même plutôt touchant. C'est d'ailleurs le mystère du film. On pourrait trouver ça trop long - et souvent j'ai coupé -, mais on y retourne, parce qu'il y a une certaine justesse de jeu, d'intention. Mais aussi, il faut bien le dire, en raison de ce bon goût international qui nous dit comme en murmurant : spectateur, tu es dans le vrai, tu as le bon goût de visionner un film de bon goût, car tu as bon goût, ce qui en fait un film rassurant, que tout le monde a aimé. En somme, le moment où le personnage est encore au Japon, dans un hôtel d'aéroport, alors que son épouse le pense déjà je ne sais plus où en Occident est une sorte de mise en abîme du film à mes yeux : on est ici comme dans un hôtel d'une chaîne de bon standing, c'est confortable, mais un peu impersonnel.

Donc voilà, c'est à peu près ça pour moi. C'est lisse, peut-être trop lisse, et les films sur le "travail de deuil", ça commence vraiment à bien faire, mais malgré cela, il y a des moments très vrais, et un certain tempo méditatif qui s'avère payant dans la construction des personnages. Raisons qui m'ont fait aimer, relativement. Mais je ne participerai pas, même après coup, au concert de louanges.

Glueklicher
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le 2 mai 2024

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