Une bonne idée ne suffit pas toujours

L'idée de départ était franchement bien trouvée : un gars qui apparait dans les rêves d'à peu près tout le monde. Le gars, falot à souhait, est un parfait exemplaire de bourgeois veule et velléitaire, confit dans son confort d'universitaire médiocre. Ce qui va permettre à Borgli de déployer la verve, impitoyable, dont il fait preuve lorsqu'il filme, disons les élites culturelles, ainsi qu'il l'a fait dans sa réalisation précédente (sick of myself). C'est drôle, bien vu : du bel ouvrage de déconstruction de la bourgeoisie qui se considère éclairée. Le gars devient fameux, alors qu'il ne le mérite pas du tout, ne parvenant pas par les voies classiques à acquérir la réputation à laquelle il aspire dans son univers d'enseignants-chercheurs. C'est souvent drôle avec de belles piques envers les médiocres qui accèdent à la notoriété via par exemple les médias ou les réseaux sociaux.

Mais, si Dream Scenario est une satire sociale plutôt réussie, , le film pêche dans sa construction scénaristique : ça part plutôt bien, mais la trouvaille de l'apparition dans les rêves est, je trouve, très mal exploitée. Au départ, Paul Matthews se contente de passer sans rien dire dans les rêves des autres et ça donne quelques séquences plutôt sympas. Mais manifestement, le film ne pouvait pas tenir dans la durée sur ce seul schéma. Alors sort soudain du chapeau un rêve érotique, sans véritable enchainement d'avec ce qui précède. Et dont le seul propos est de pourrir un peu plus le Matthews de la vraie vie. Mais après ce bref intermède, ça bascule d'un seul coup d'un seul vers un Matthews devenant - dans les rêves d'autrui - un tueur sadique. Là encore, pas vraiment de continuité avec ce qui précède dans le monde onirique. Bon, ça permet de confronter Matthews au retour de bâton de la popularité qu'il avait acquise auparavant, soit.

Bref, tout ça nous fait un scénario bancal, sans véritable articulation entre l'évolution du Matthews réel et celle du Matthews des rêves. En tout cas, si articulation il y a, elle m'aura échappé (ce qui ne peut être totalement exclu, puisque j'ai vu ce film un lendemain de réveillon). Mais quoiqu'il en soit, je suis sorti de la salle avec un goût d'inachevé : j'aurais apprécié de trouver plus de liant entre les deux Matthews et surtout entre les situations auxquelles il est confronté dans les deux univers dans lesquels il apparait. Borgli aura peut-être mal digéré son transfert de la Norvège vers Hollywood. Finalement, peut-être la découverte d'une industrie du divertissement différente de celle qu'il connaissait l'aura-t-elle perturbé.

Marcus31
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le 3 janv. 2024

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