Hyde and sick: l'hubris lubrique

On connait tous la nouvelle de Stevenson, inutile donc de bâtir un synopsis redondant pour cette œuvre majeure de la littérature gothique de l'époque victorienne, célèbre pour avoir inspiré moult artistes ayant pondus dans leur inspirations divines des personnages jouant sur le fameux concept de double primal —voire maléfique— allant de Bruce Banner/Hulk à David et Jonathan.

Le film, donc.

Malheureusement je ne trouve pas énormément de choses à dire, ni vraiment à redire, de cette adaptation datant de 1931 qui vient se placer après deux autres datant de 1920 : une de Robertson pour les U.S.A. et une autre dont le nom des personnages diffèrent, de Murnau pour l'Allemagne. A ce jour je n'ai vu aucune des deux versions antérieures mais je brûle cependant d'envie de voir le film de Flemming.

Mais malgré ce que j'ai l'air d'en dire, le métrage de Mamoulian se révèle tout de même assez surprenant et non dénué d'atouts.

On a affaire à une caméra incroyablement dynamique et multipliant des bonnes idées de mise en scène tout à fait surprenantes pour l'époque. Je pense à l'emploi de la vue subjective qui d'entrée de jeu impose le respect par la méticulosité de sa mise en place et de son rendu, surtout lorsque l'on imagine à qu'elle point elle a du être difficile et audacieuse à exécuter avec les moyens de l'époque. Je pense aux trucages (mot que j'emploie volontairement à la place du terme « effets spéciaux ») et aux astuces visuelles employées pour donner l'illusion de la transfiguration de ce bon docteur Jekyll et notamment lorsque le spectateur y assiste face au miroir, au travers de ses yeux.
Je salue aussi le maquillage, qui peut prêter à sourire aujourd'hui, mais je ne parlais pas spécialement de celui de Hyde.

Et puis comment ne pas rendre hommage à Fredric March, absolument parfait dans son interprétation hypocrite de la vertu toute victorienne à laquelle un gentleman se doit de faire honneur, alors qu'on sait tous bien que tout ce qu'il veut ce faux-cul de Jekyll c'est de mettre une cartou...

Pardon.

Cet interprétation de la vertu corrompue d'un homme déchiré par la dualité de sa nature profonde —disais-je donc— est d'ailleurs remarquablement contre balancée par le jeu habité et convaincant dont March fait preuve lorsqu'il campe un Mr Hyde impulsif, violent, et en définitif très authentique.

Cependant malgré un acteur principal à la auteur du personnage, lui-même entouré d'acteurs et d'actrices charmants (Aaah les yeux de Rose Hobart ! Aaaaah les jambes de Miriam Hopkins !), d'une réalisation assez inventive et relativement moderne composant des plans souvent réussis baignant dans quelques décors qui remplissent bien le cahier des charges du fantastique victorien, j'ai eu du mal m'y attacher plus que cela.

Pour tout dire le film m'a paru assez long, ce qui pour une heure trente n'est pas très bon signe, et m'a semblé manquer de rythme ; les scènes avec Hyde—exceptée celle du Music Hall — étant trop en deçà de leur potentiel à mon goût (la fin par exemple). Le tout laisse un goût de trop peu, ce qui est dommage, pour une fois que l'interprétation d'un personnage aussi théâtral n'était pas caricaturale.

Tous les thèmes et les éléments sont là, du suspens à la romance, de la pluie et du brouillard aux salons de réception, des codes de bonne conduite emprunt de « temperance » aux éclats de violence et de frayeur, mais c'est comme si quelque chose manquait ou était en trop.

Trop de paroles, pas assez de silences peut être. Trop de démonstration et pas assez de suggestion.

Voilà c'est ça.