Downsizing par Ezechielle

La science-fiction peut avoir plusieurs définitions, parmi celles-ci, une a particulièrement mon affection : imaginer l'évolution de la science et des techniques, leur impact sur notre société tout en exacerbant les problèmes sociaux, relationnels, environnementaux, politiques, etc., de notre époque. Downsizing entre parfaitement dans cette catégorie et, malgré le flot de critiques négatives qu'il a reçu, je trouve qu'il fait particulièrement bien son travail.

Certes, point de super héro qui sauve l'humanité, redresse les torts, vit une grande aventure pour entrer au cœur de la matrice et déjouer un infâme complot : juste un type lambda qui vit une histoire lambda dans un monde bouleversé par une nouvelle technologie. Qui de mieux, au fond, qu'une personne ordinaire pour nous décrire cet univers ? S'il existe d'excellents films de science-fiction aux propos similaires et dont les héros connaissent des aventures autrement plus palpitantes, l'action a parfois tendance à prendre le dessus sur les considérations socio-politiques ou philosophiques du récit.

On peut regretter que le héro soit trop lisse, trop consensuel, mais finalement est-il si peu crédible ? Ce personnage, avec ses hésitations et sa tendance à se laisser porter par les événements sans réellement tenter de les influencer, n'a-t-il pas, lui aussi, quelque chose à nous dire ? Faut-il que le héro se positionne pour ou contre le monde dans lequel il évolue pour être intéressant ? À mon sens, ce qui peut nous sembler être un décalage (par rapport à d'autres œuvres de science-fiction) est en fait très cohérent avec le propos du film. Le monde que l'on nous décrit n'est pas porté par une utopie. Si la réduction d'êtres humains est présentée comme une solution à des problèmes environnementaux, cette technologie est rapidement détournée à des fins commerciales. En réduisant leur consommation en même temps qu'ils réduisent leur taille, les humains peuvent se payer infiniment plus de choses et ainsi vivre comme les riches bourgeois insouciants qu'ils ont toujours rêvé d'être. Le héro n'a pas d'autre ambition, et ce sont uniquement les événements qui le pousseront à remettre en question son existence (plus que son monde).

L'air de ne pas y toucher, le film critique de manière acerbe ce monde qu'il décrit (et donc les inégalités du nôtre, qu'il grossit) sans jamais se complaire dans le rejet pur et simple. L'idéal à l'origine de la réduction (et que l'on recroise à la fin du film, sous une forme plus utopique) n'est jamais ridiculisé, c'est bien notre monde matérialiste qui est tourné en dérision. Si l'on peut reprocher au film de ne jamais prendre réellement position et de se complaire dans une indécision très postmoderniste (tout est relatif, tout se vaut), ce n'est qu'une apparence. C'est parce que le héro n'est pas idéaliste qu'il ne peut s'intégrer à un idéal, mais c'est aussi parce qu'il est lui-même désillusionné quant à la valeur du monde qu'il pensait intégrer qu'il est constamment en décalage et désir le fuir.

Malgré ses grandes qualités et sa capacité en entrevoir toute une série de conséquences très crédibles (à mon sens) de l'apparition de la réduction des êtres humains, on peut toutefois reprocher au film de trop suivre les hésitations de son héro dans sa narration. Plus précisément : ce n'est pas parce que ce dernier hésite que le film doit se complaire dans une posture morale plutôt molle : dénoncer sans transformer, dénoncer sans s'engager. Finalement, si le héro est un personnage très banal, ses rencontres et son aventure le sont beaucoup moins. On est donc en droit de s'attendre à ce qu'il évolue en s'affirmant d'avantage, en prenant plus franchement position. Sans être cynique ou relativiste, le film ne parvient donc pas lui-même à prendre position, d'où le sentiment de vacuité que certains ont pu ressentir en le visionnant.

Passé ce constat en demi-teinte, Dowsizing reste un film original, intéressant et intelligent, très bien filmé (les rapports de taille sont excellemment rendus et l'impression de petitesse est conservée même lorsque les personnages se trouvent dans une environnement à leur échelle) et globalement agréable à suivre.