Pour ce qui est des génériques d'ouverture, Jim Jarmush ne s'est jamais trompé. Celui de Down by Law préfigure élégamment la tonalité du film. Noir & Blanc, honorant la beauté de la Louisiane par de longs travellings sublimés par la voix goudronnée de Tom Waits... on y est. L'Amérique profonde et ses "beautiful loosers", population de prédilection pour ce réalisateur qui trouve en eux le vecteur privilégié de l'expression de sa sensibilité, des ses obsessions.
L'élégance du anti-héro usé par la vie, pris dans l'engrenage tout puissant du monde et subissant, avec l'attitude ironique qui convient, l'enchaînements absurde des situations qu'il génère sans délicatesse. Jarmusch porte un amour inconditionnel à ses personnages en leur octroyant la classe de répondre à la vie par le triomphe pathétique d'une citation occasionnelle de Walt Whitman, émouvante dérision...
Le contexte est toujours un prétexte. Un prétexte pour faire s'entrecouper la contingence des destins individuels dans les nœuds éphémères que le hasard dispose avec indifférence. C'est particulièrement manifeste dans "Night on Earth", qui peignait cinq tableaux loufoques, dans cinq grandes villes du monde, cinq conducteurs de taxi, cinq clients que les circonstances ont posés sur la banquette arrière, et leurs conversations. Dans Down by Law, plutôt que de nous servir la sempiternelle représentation du milieu carcéral, Jarmusch nous parle d'amitié.
Plus que de quoi que ce soit d'autre, Jarmusch nous parle de ce qui l'anime le plus, l'être humain. Avec le plus judicieux des minimalismes, ce grand philanthrope nous livre sa vision de la rencontre anonyme, bienveillance tout en retenue, et toujours le sentiment d'empathie, triomphant.
La coïncidence des chemins individuels qui se croisent, cette idée sous-jacente à une bonne partie de son œuvre est particulièrement mise en relief, au sens propre, dans la dernière scène du film.
"It's a sad and beautiful world"