12 hommes en colère est un grand film. Pourquoi ? Parce qu'il commence mal et s'en sort très bien. Prenez douze hommes correspondant tous à un cliché : le vieil homme malicieux, le gros riche grossier, le nouveau riche impulsif, le courtier impassible, le publicitaire relou, l'étranger plus-malin-que-les-autres, etc. On se dit : le film est mal parti. Eh bien non ! Car les dialogues sont tellement bons, Henry Fonda tellement présent à l'écran, que rapidement sont oubliés les stéréotypes. Seul compte, peu à peu, la vie de ce garçon entrevu au début du film. Nous sommes en effet plongés au milieu d'un jury devant décider de la condamnation (et de l'exécution) d'un jeune homme de 18 ans, pour un parricide. 11 jurés votent coupable, il n'y a qu'un homme, habillé de blanc (Henry Fonda), pour voter non-coupable et vouloir « parler ». Insufflant le doute, ou donnant du courage, aux autres jurés, Fonda réussit à créer un débat, tour à tour passionnel et pragmatique, qui dépasse de loin la seule question de la culpabilité.
J'ai lu une critique mettant l'accent sur le duo Fonda/Cobb dans ce film (le bon/le méchant). C'est vrai qu'on assiste à beaucoup de joutes verbales où ces deux-là s'opposent, mais le vrai plaisir dans ce film, c'est le positionnement progressif de chaque personnage vis-à-vis de Fonda. Chacun, on s'en rend compte, a une raison de ne pas condamner le jeune homme à mort. Le vieil homme a sa bonté naturelle, son humanisme, et, pourrait-on dire même plus que pour Fonda, son intelligence (Fonda est une machine à raisonner, un peu froide à mon goût). L'ancien gamin des quartiers pauvres se sent insulté par les bons bourgeois et, comme par solidarité de classe, refuse de condamner l'accusé. L'immigré récent, l'horloger (sa profession est très bien trouvée : il remet les pendules à l'heure plusieurs fois et sonne les cloches au fan de baseball dans ce qui est peut-être ma scène préférée : « what kind of man are you ? »), est un homme de raison, typique homme des lumières (un européen), et c'est sa raison qui le pousse à acquitter l'accusé. On comprend moins l'ouvrier, en revanche, qui déclare à Fonda sa conviction que le gosse est coupable, et vote très peu de temps après non-coupable.
Certains personnages sont plus réussis (l'horloger, le courtier) que d'autres, mais au-delà de ces détails, ce qui est remarquable, c'est que jamais ce huis- clos intégral ne lasse. On est tenu en haleine du début à la fin, par Fonda tout d'abord, puis par tous les membres du jury. Certains moments viennent casser le rythme, ainsi l'orage quand la tension est au maximum dans la salle.
Un regret cependant : le « grand méchant » joue assez mal. C'est le moins bon acteur des douze, et c'est dommage au vu du rôle qui lui incombe.