12 hommes en colère possède un statut particulier dans l'histoire du cinéma. Ce statut peu de films l'ont : ceux n'étant pas adeptes des vieilles productions, notamment celles en noir et blanc, apprécient ce film. S'il est autant aimé, c'est parce qu'il réussit, que ce soit par sa réalisation ou par ses thèmes, à être d'actualité.


La principale prouesse de 12 hommes en colère est de tenir en haleine le spectateur avec seulement 12 hommes discutant dans une seule pièce. En omettant les intentions de réalisation de Sydney Lumet, le métrage réussit à ne pas lasser grâce à sa gestion du rythme, à ses changements d'échelles de plans, à ses mouvements de caméra, et à ses dialogues. Tout ces éléments desservent la raison principale de succès : l'intrigue. 12 hommes d'âges et d'horizons différents doivent juger un jeune homme accusé d'avoir tuer son père. Le poids de cette responsabilité se ressent dés les premiers instants du métrage. A la fin du procès, un travelling gauche balaye les jurés. S'ensuit ainsi un gros plan du visage du jeune homme qui se conclut par un long fondu enchaîné montrant la salle où les jurés vont délibérés. C'est une façon efficace de dire que pour le jeune, tout se jouera dans cette pièce. Ce qui est intéressant est qu'ils ne se connaissent pas, et que nous non plus nous ne les connaissons pas. Leurs noms ne sont jamais cités, et ils sont identifiés pas des numéros. Ils deviennent les personnifications de leur statut sociale et de leur profession. Ce large panel de personnes permet porter des regards différents sur différents sujets de société : la jeunesse, la vieillesse, les classes sociales, le rôle de père, etc. En abordant tout ceci, nous cernons les intentions de chaque personnage. Cependant, ce n'était pas chose évidente au tout début des délibérations. Le premier plan dans la salle est un plan séquence. Nous faisons la rencontre de chaque juré et nous comprenons qu'ils veulent donner rapidement leur décision. Au moment du vote, il y aura un changement de plan pour montrer le personnage interprété par Henry Fonda : dans cette ligne qui se dessinait, il est venu gommer la route. Par leurs débats, nous apprenons à les connaître, cela nous permettant alors de cerner ceux étant proches de l'accusé, et ceux étant totalement à son opposé. Nous voyions d'ailleurs que pour certains d'entre eux, c'en est presque une affaire personnelle. Le dernier campant sur sa décision voit en fait dans ce choix son propre échec en tant que père.

Comme nous l'avons subtilement vu, par deux fois il y a un contexte de 11 contre 1. Pour ne prendre que le cas d'Henry Fonda, son infériorité numérique se ressent dans des plans où il fait face aux autres, lui étant au premier plan. Au fil du film, il se voit petit à petit rejoindre par des jurés partageant sa décision. La caméra va aller de pair avec cette mouvance en cernant les différents « clans » qui se font faces. Tout cela dénote d'une maîtrise de la gestion de l'espace, et cela malgré le handicap de n'avoir qu'une unité de lieu. La preuve la plus flagrante de cette maîtrise est la capacité du film à isoler les personnages rien qu'avec des plans d'ensembles. Dans un de ceux-ci, le vieux réactionnaires fait un pamphlet contre la jeunesse tandis que les autres jurés se lève pour s'éloigner de la table : bien qu'il soit entouré de personnes, le vieil homme se retrouve seul. Néanmoins, pour en arriver là il faut discuter. Tout le génie du film réside dans ses dialogues. Plus les discussions sont virulentes, plus les plans sont serrés sur leurs visages. Plus les monologues sont intenses, plus le cadre se resserrent via des travellings avants. La chaleur ambiante ajoute de la dramaturgie à l'ensemble car la tension sur leurs visages suants et fatigués en est presque palpable. Chaque joutes verbales et chaque regards sont identiques à des coups de poignards. Un seul juré fait exception à tout ça, lui qui n'est jamais montré et qui ne parle pas : le spectateur.

Nous sommes le treizième juré. Dans ce flot de paroles, nous nous forgeons notre propre idée de l'affaire. Il est évident que nous sommes influencé par Henry Fonda – qui ne le serait pas ? –, néanmoins, nous ne sommes jamais passif et nous sommes carrément prit à parti. En effet, les jurés s'adressent quelques fois à nous par des regards caméra. Lors du premier tour de table, certains jurés nous parlent en nous regardant droit dans les yeux comme pour nous convaincre de les croire. Nous ne regardons pas ce film, nous le vivons.


12 hommes en colère est un film à voir. Si tout porte à croire que c'est un chef d’œuvre intemporel, il est important de le regarder pour comprendre qu'il l'est véritablement. Pour ceux ne l'appréciant pas, vous aurez appris l'élément phare que voulait transmettre le métrage : il faut toujours se remettre en question quand bien même la majorité tend vers une direction.

Flave
9
Écrit par

Créée

le 30 août 2022

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Flave

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