Douze hommes dans un seul décor où se déroule la grande majorité du film et une décision à prendre qui décidera de la vie d'un homme. Pour son premier film, Sidney Lumet choisit un huis-clos, il enferme ses protagonistes dans un tout petit espace, dont il étudie minutieusement le comportement face à la situation à laquelle ils sont confrontés. Malgré cet aspect très statique et renfermé, 12 hommes en colère ne laisse aucun temps mort et captive le spectateur de bout en bout. Dès le début, Sidney Lumet nous gratifie d’un superbe plan séquence de plusieurs minutes qui permet au spectateur de s’approprier l'entiereté de l’espace, de parcourir la salle, de croiser les douze protagonistes, et de commencer à dresser un portrait de chacun d'eux. 12 hommes en colère, ce n’est pas juste un film sur le système judiciaire américain, ou sur l’étude d’une affaire criminelle. Au fur et à mesure du tournage, le réalisateur Sidney Lumet utilisa des objectifs de focales croissantes, de sorte que les décors semblent se rapprocher des protagonistes, accroissant le sentiment d'étouffement.
Dans ce long métrage, Sidney Lumet propose un microcosme varié où chaque personnage incarne une partie de la société, où les personnalités se confrontent puis s’associent, s’insultent puis se comprennent, pour être transcendées par un esprit de groupe qui les unit. Lumet se sert du doute pour construire la base de la réflexion. Dans la salle, ils sont onze à être persuadés de la culpabilité de l’accusé, pour des raisons très diverses, mais un choisit de plaider non-coupable, sur la seule motivation d’un doute raisonnable qui l’empêche d’affirmer avec certitude que le jeune homme est coupable et qu’il mérite d’être envoyé à la chaise électrique sans plus de considération.
Le choix du juré n°8, brillamment interprété par Henry Fonda, sert d’élément déclencheur pour dévoiler les caractéristiques et les convictions de chacun. Si les approches de chaque juré diffèrent selon leurs motivations, il s’avère que le film s’attaque aux certitudes, souvent motivées par des préjugés sociaux et ethniques, qui altèrent le jugement et évitent toute considération d’un doute raisonnable.
Il y a, bien sûr, un côté politique dans cette démarche, mais cette dernière s’inscrit également dans un contexte plus philosophique. En effet, la couverture des préjugés sociaux et de leur remise en question cache, derrière, une représentation de notre capacité à pouvoir remettre en question le monde qui nous entoure. Car si tout paraît tangible, si notre vécu a construit des fondations d’apparence inébranlables, la capacité à s’interroger, à chercher à comprendre et à se remettre en question est essentielle.
Il va donc sans dire qu’avec ce film, Sidney Lumet réussit un premier coup de maître dans un pur chef d’oeuvre cinématographique. Sur la forme on peut reprocher que le film s'apparente énormément à du théâtre filmé mais Lumet maîtrise à merveille l’espace, construit un récit intelligent et captivant, permet à chacun des acteurs, tous très convaincants, de s’exprimer assez pour alimenter le métrage et en faire, aujourd’hui encore, un des plus grand classique du septième art.