Curieux film double mêlant structure ultra-classique – début et fin –, sorte de Fugitif au féminin, et actions surprenantes voire imprévisibles de personnages dont les destinées se croisent par le hasard des choses. Une fois passée la condamnation, Double jeu flotte à la manière de son héroïne et tisse une lente reconstruction avec habileté et originalité. Le duo formé par Ashley Judd et Tommy Lee Jones, presque anti-duo, fonctionne par son incompatibilité apparente qui, petit à petit, se dénoue pour laisser place à une compréhension et une communication au-delà de la parole. Car le langage trompe, ment, sème le doute : devant une cour de justice, face à son ex-mari, dans la promesse de retrouver un enfant rapidement évaporé parmi les tombes... Le langage est un tombeau ; son remède est l’action guidée par la conscience et l’instinct. A l’image de cette belle scène où, à bout de forces, Ashley Judd tombe dans les bras de Tommy Lee Jones qui se trouvait là par hasard, sans un mot, en larmes. Le film cultive d’une façon schizophrénique ces deux versants d’une même médaille, oscillant entre respect scrupuleux des codes inhérents au genre et lâcher-prise donnant de l’espace et ainsi de l’épaisseur à ses personnages. On regrettera cependant la trop grande place accordée au classicisme qui, parce qu’il prend le film en étau, l’empêche de pleinement s’émanciper et donc de convaincre.