Django Unchained est un navet.

En une autre époque que celle que nous vivons, jamais aucun critique ne se serait attardé à démontrer cela ni, a fortiori, n'aurait tenté de prouver le contraire.

Mais le poids de l'ignorance est aujourd'hui devenu tel que le dernier film de Quentin Tarantino s'est vu accueillir, à sa sortie, par les éloges unanimes de la presse.

Pourtant Django Unchained est bien un navet.

Comme tous les navets, ce film tente d'abrutir son public avec des images stupides, avec des effets de mise en scène stupides, avec des mots stupides, avec des idées stupides. Manifestement, c'est pari gagné, une fois de plus…

On pourrait tenter d'abriter le film derrière le paravent du "divertissement innocent", mais ce serait oublier un peu vite comment cette stupidité même est à l'origine des pires crimes dont l'humanité est capable.
Et justement l'argument du film, comme celui de tous les autres Tarantino, est de se coltiner ces question du bien et du mal, de la justice, de la violence et de sa légitimité.

Sujets sérieux, traitement débile…

Tarantino, il faut bien le dire, ne fait pas preuve d'originalité dans cet opus. En réalité il s'agit d'un décalque parfait du reste de sa filmographie: Le récit d'une vengeance, celle de la victime innocente contre ses ignobles bourreaux… Qu'on soit nazi, gangster, esclavagiste peu importe, le schéma simpliste est bien toujours le même.
Quand il s'agissait d'assumer la facture, la narration et l'univers décalé d'une série Z, on pouvait peut-être encore en rire ( ce n'était pas mon cas ) et jubiler comme un ado crétin qui découvre les joies de l'onanisme mais lorsqu'on prétend revisiter des périodes connues et documentées de l'Histoire, on peut juger la démarche pour le moins scabreuse.

Car l'univers que décrit Django Unchained est un monde parfait: un monde manichéen, binaire, sans nuance, schématique, simpliste. Un monde de Oui-Oui pour ados perfusés aux films de bastons bruyants et criards.
Or il y a des simplifications qui ont le goût amer de la trahison… Les films de divertissement, aussi inoffensifs soient-ils en apparence, tiennent un discours sur le monde réel. Celui que nous sommes obligés de regagner lorsque les lumières se rallument et que nous quittons les confortables sièges de velours rouges.

C'est alors qu'on se prend en pleine figure le cynisme et la bêtise crasse de la mise en scène. Sous prétexte de clins d'oeils à la culture marginale des séries B ou Z, Tarantino continue de sa vautrer dans ce que le cinéma a fait de pire. Une caméra analphabète pour public arriéré et illettré où tout est souligné 2 fois en rouge fluo clignotant pour ceux qui voient pas bien. Où la coolitude branchouille le dispute à la complaisance la plus parfaite.

Mais ouvrez les yeux ! Tarantino nous fait endurer des séquences en champs / contre-champs plus bavardes que 3 longs métrages de Rohmer ( sauf que là c'est pour ne rien dire ) tout ça pour enfin arriver à… des scènes de fusillade interminables où l'ultra-violence totalement gratuite s'étale complaisamment à grands renforts d'hémoglobine. Ultra violence et cruauté indicible des méchants qui ne servira, comme dans tous ses autres films, qu'à justifier l'ultra violence exercée par le gentil à la fin.

Apologie jubilatoire de la loi du Talion ? Ou rêverie cauchemardesque de toute-puissance infantile ? Dans tous les cas, le film ne brille pas par la complexité de son point de vue sur les questions qu'il aborde.

Restent:
- Des acteurs grandiloquents ( Di Caprio ), charismatiques comme des pelures d'oignons ( Jamie qui déjà ? ), ou alors simplements gesticulants dans le vide ( pauvre pauvre talentueux Christoph Waltz échoué ici en vain )
- Une BO éclectique comme un juke-box épileptique (putain il pille même la BO des bons films pour ses bouses… maintenant si un gugusse tombe par hasard sur "Allonsanfan" il s'écriera: Ouawou la zik d'Inglorious Bastard !!? S'il venait à frotter ses yeux sur Under Fire, PAF, le vlà qui gueulera Wéééé C Jango ça hé !) C'est pas le tout d'avoir vu les bon films et d'en piquer des morceaux si c'est pour les noyer dans des flots de kitsch…
- Et des coups de zoom… ah y sont pas beaux mes coups de zoom ? Allez j'vous en met 3 kilos pour le prix de 2 ma brave dame !

Rien à sauver rien

De ce genre d'expérience, outre le profond ennui subi, on ne ressort certainement pas grandi, certainement pas plus éclairé sur le monde ou les hommes… Mais dans un navet il est vrai que l'insipide le dispute à la puanteur…

Pour finir, deux petites citations de Milan Kundera qui expliquent assez bien comment un Tarantino a pu mystifier tant de monde…

"Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde; au sens littéral comme au sens figuré: le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable. "

( Ce qui semble inacceptable à Tarantino: Qu'un esclavagiste américain du XIXe siècle puisse avoir une once d'humanité au lieu d'être une parfaite ordure. Q'une victime soit autre chose qu'innocente. Qu'elle puisse survivre sans aucun désir de vengeance. Que la violence soit autre chose que spectaculaire: simplement sordide, insupportable, intolérable, d'où qu'elle vienne, qu'elle que soit sa raison d'être… etc… etc… )

"Le mot kitsch désigne l'attitude de celui qui veut plaire à tout prix et au plus grand nombre. Pour plaire, il faut confirmer ce que tout le monde veut entendre, être au service des idées reçues. Le kitsch, c'est la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l'émotion... Vu la nécessité impérative de plaire et de gagner ainsi l'attention du plus grand nombre, l'esthétique des mass media est inévitablement celle du kitsch, et au fur et à mesure que les mass media embrassent et infiltrent toute notre vie, le kitsch devient notre esthétique et notre morale quotidienne"
antoninbenard
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le 16 juin 2013

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Antonin Bénard

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