
Après ses derniers films A Good Man, La Fête des Mères et Le Ciel Attendra, fictions où les femmes, leurs vies et leurs convictions jouent un rôle central, la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar nous revient ici avec son attrait pour les histoires vraies comme dans "Bowling" et "Les Héritiers".
Elle nous livre ainsi un très beau Biopic sur la naissance de l'orchestre Divertimento, dans les années 95-96, génèse d'autant plus intéressante quand on sait le rayonnement qu'il connaît en France plus de 25 ans après...
Elle-même issue d'une famille de musiciens, la réalisatrice nous raconte l'épopée de deux soeurs jumelles, Zahia et Fettouma Ziouani, passionnées de musique depuis leur enfance, et dont la première forme le rêve fou de devenir Cheffe d'Orchestre... Reprenant le scénario initié par Clara Bourreau, Marie-Castille Mention-Schaar a passé beaucoup de temps avec les deux soeurs pour bien décrire ce qui a été une passion et un combat de tous les instants pour arriver à réaliser ce magnifique projet...
Une des grandes réussites du film est de nous montrer la puissance de la cellule familiale d'origine Algérienne, parfaitement intégrée, et de la sororité qui les aideront à surmonter tous les obstacles...
Ainsi le père (joué par un excellent et très crédible Zinedine Soualem), sans être musiscien, est-il un passionné de musique symphonique; il va réussir à transmettre cette passion à ses filles dès l'âge de 7 ans pour Zahia, lorqu'elle assiste à une retransmission du Boléro de Ravel, par le prestigieux chef d'orchestre Sergiu Celibidache... On voit bien notamment les soeurs devenir de vraies boulimiques de musiques et Zahia de dire : "la vie est la musique et la musique est la vie"; à plusieurs reprises les sons de la vie lui résonnnent comme autant de musiques, dans la cuisine, la nature ou dans un train, c'est très bien rendu !
La première partie du film, la moins bonne, nous montre l'arrivée des deux soeurs, venant de Seine Saint Denis, en terminale au lycée Racine dans le 8ème arrondissement, section musicale, et le choc culturel induit, avec les mauvaises blagues de potaches que cela va engendrer ("la fille du 9 3 qui se met sur son 3 1", la baguette de pain déposée sur son pupitre alors que Zahia n'a pas encore sa baguette de Cheffe...).
Mais dès lors que les deux soeurs, Zahia (jouée par une Oulaya Amamra solaire et habitée), Alto dont l'ambition est de devenir Cheffe d'orchestre, et Fettouma, Violloncelliste (jouée une Lina El Arabi impeccable et forte pour épauler sa soeur), annoncent leurs formations et expériences musicales de 10 ans , le respect s'installe envers elles, même si la concurrence avec Lambert Lallemand (un Louis Damien Kapfer assez maladroit dans le film), autre candidat chef d'orchestre, va être âpre..., d'autant que les autres garçons de l'orchestre sont facilement moqueurs et bruyants avec leurs cuivres...
Mais c'est la passion de la musique par tous qui l'emporte et le film évite ainsi de tomber dans les clichés sociaux et de l'intégration...
Pour Zahia, le fait d'être une femme est un handicap de plus, car très peu sont cheffes d'orchestre (4% en France), un aspect féministe du film certes, mais d'abord le combat d'une femme habitée par la musique...
La musique c'est ma vie et il n'y a que quand je dirige que je me sens vivante
La deuxième partie du film, qui va le faire vraiment décoller, nous fait assister à la rencontre providentielle de Zahia avec le maestro Sergiu Celibidache dans son conservatoire, (joué par un immense Niels Arestrup), protecteur et apportant ses conseils inestimables mais aussi hyper exigeant avec Zahia... Il lui assénera : "Les femmes sont aussi capables de diriger mais souvent manquent de persévérance". Ce sera désormais le seul moteur, la persévérance, qui va animer Zahia, avec le soutien inestimable de sa soeur Fettouma qui va la persuader de créer un orchestre, afin de contourner les échecs inévitables dans un monde musical fermé et avec ses codes masculins...
Avec l'aide précieuse de la ville de Stains, et non sans difficultés matérielles, Zahia et sa soeur vont se consacrer à la construction de cet orchestre symphonique, en faisant appel à des musiciens de diverses origines et notamment du Lycée Racine qui accepteront l'aventure... Le souhait de Zahia est de mélanger les cultures musicales de d'origines variées, notamment en choisissant celle de Camille Saint-Saëns... Ceci conduira aussi au choix du nom de l'Orchestre "Divertimento" qui renvoie à une forme libre de musique dynamique et vive ! (nom inscrit sur une partition de Haydn dans le film...).
Cette période est difficile pour Zahia, même si elle s'occupe admirablement de ses musiciens, elle se sent de plus en plus seule devant son orchestre... "Tu dois faire corps avec ton orchestre" lui ordonne son maestro qui la dirige alors sans ménagement...
Perdant un concours contre Lambert, elle paraît au bord du découragement (est-elle digne des ses prétentions ?), mais la belle surprise finale sur fond de Boléro de Ravel délivre une émotion qui prend le spectateur aux tripes et nous fait comprendre que son ambition est sans doute sur les bons rails...
Non musicienne, l'actrice Oulaya Amamra a vraiment appris à diriger un orchestre, c'est réussi et ça la rend d'autant plus crédible...
Ce film est un "Feel Good Movie", animé de bons sentiments, il nous enseigne que la vie offre des opportunités à qui se bat pour les conquérir..., un film inspirant qui s'adresse à tous !