Dillinger
7
Dillinger

Film de John Milius (1973)

Histoire non-édifiante d'un truand des années 30

Bien avant Michael Mann et son "Public Ennemies", John Milius avait donné sa version de l'histoire du truand Dillinger avec sa 1ère réalisation, sortie la même année que "L'Homme des hautes plaines" (Clint Eastwood), "Pat Garrett & Billy The Kid" (Sam Peckinpah) ou encore "Magnum Force" (Ted Post, sur un scénario co-écrit par Michael Cimino... et John Milius). Dillinger est dans la même veine: violent, spectaculaire, avec de nettes références au western. On y retrouve d'ailleurs dans le rôle-titre Warren Oates, habitué des films de Peckinpah, futur "héros" d' "Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia", ou encore Geoffrey Lewis, tueur psychopathe dans "L'Homme des hautes plaines" d'Eastwood. On pense aussi bien sûr au "Bonnie & Clyde" d'Arthur Penn, ancêtre légitime de Dillinger.


Il y a déjà une remarquable reconstitution des années 30, d'une Amérique en crise, où braquer des banques paraît bien plus excitant et  gratifiant que chercher un travail hypothétique. Le fétichisme bien connu de Milius envers les armes est aussi manifeste: il y en a beaucoup, et elles servent beaucoup. Le cinéaste, également scénariste, parle aussi de l'art de la communication: Dillinger est conscient d'être un héros populaire (cf  le discours qu'il tient rituellement à chaque braquage: "C'est un des grands moments de votre vie: faites en sorte que ce ne soit pas le dernier"), tandis que Purvis, son ennemi mortel, se demande pourquoi les truands sont plus populaires que les policiers. Les rapports entre les deux ennemis sont d'ailleurs l'occasion de scènes savoureuses, à la lisière de la comédie, que Dillinger appelle au téléphone Purvis, et que c'est à qui aura le dernier mot, ou lorsque tous deux se retrouvent dans le même restaurant, et que Purvis fait apporter du champagne au truand ! Purvis, dont le gimmick consiste à allumer un énorme cigare avant chacune de ses embuscades.
Milius refuse ainsi tout manichéisme et se plait aux mélanges: il y a quelques scènes bucoliques réussies, comme celle de la fête rurale, où Dillinger se fera pincer, ou la promenade en barque avec sa compagne, sur un étang où barbotent les canards. Et ce passage sobre et émouvant où Dillinger rend visite à sa famille. Par ailleurs, il y a des scènes d'action anthologiques, où les macchabées s'accumulent ! Dillinger n'est ni un héros ni un monstre: quelque part entre Humphrey Bogart et Lee Marvin, Warren Oates lui prête sa classe virile; l'homme peut être charmeur, courageux, mais, comme ses complices, il peut aussi se comporter comme le dernier des machos, et comme une brute sans scrupule. Qui sont les bons ? Et les méchants ? Truands et agents du FBI ont les mêmes costards impeccables, les mêmes armes, la même détermination. Plus d'un innocent paiera de sa vie de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Les braqueurs n'hésitent jamais à ouvrir le feu, tandis que les policiers et leurs auxiliaires civils ne répugnent pas à achever des hommes blessés et désarmés (durant la dernière embuscade, un employé de cinéma prend d'ailleurs les hommes de Purvis pour des truands). Les mitrailleuses crépitent rageusement, et la caméra s'attarde ensuite sur les lieux de l'action redevenus silencieux, avec ces cadavres gisant dans la poussière. Loin cette fois de toute surenchère, la mort de Dillinger sera traitée finalement sans effet et très rapidement. Tout cela n'a vraiment aucun sens.
Drustan
8
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le 18 avr. 2021

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