Tout dans Dil Bechara paraît artificiel, à l'image du film amateur que les protagonistes tentent de réaliser et de monter, en jouant de manière exacerbée.


Quand Kizie Basu (Sanjana Sanghi), atteinte d'un cancer, se déplaçant en permanence avec un appareil l'aidant à respirer, rencontre Immanuel Rajkumar Junior (Sushant Singh Rajput), sa vie va être bouleversée. Celui-ci, lui même guéri d'un cancer et amputé d'une jambe, sous le charme de la jeune fille, va s'inviter dans sa routine dans l'espoir qu'elle tombe amoureuse de lui.


Dans cette adaptation de Nos étoiles contraires, tout est irréel, hors réalité. Les héros semblent sortir d'un cliché de film bollywoodien pour vivre leur vie, comme dans La rose pourpre du Caire de Woody Allen. Tout y est propret, les dents brillent, les iPhone sont exhibés comme signe de richesse extérieure de personnages sans background, détachés de nous, comme un prince et une princesse surgissant d'un conte de fée, venus d'ailleurs. Dès lors, comment éprouver une quelconque empathie pour ces stars ?


La mise en scène, impersonnelle, tentant tant bien que mal de proposer des plans cadrés, respire le même air superficiel, à travers ces images numériques plates, sans aucun grain ni imperfection. Seule exception, un plan-séquence à l'intérieur d'une salle de cinéma, même s'il n'apporte rien sur le plan narratif. Sushant Singh Rajput y imprime son star-power sur un pas de danse travaillé, en chantant en playback la chanson-titre du film, "Dil Bechara".


Du film, c'est comme si on avait gommé la vie, pour ne garder que des pantins heureux, souriant en permanence, affectés par aucun conflit ou enjeu dramatique pour les animer, les rendre vivants. L'handicap, signe d'une vie "imparfaite" et non digne d'une star, est nié, invisibilisé. On n'y croit pas une seconde. Le héros amputé court, danse et saute sans hésitation. L'héroïne nécessitant un respirateur n'est jamais montrée manquant d'air, jusqu'à une certaine scène. L'handicap semble presque être un gadget, une artificialité comme une autre, une excuse employée par les scénaristes comme avertissement donné aux spectateurs du malheur qui va s'abattre sur notre couple romantique.


Le meilleur ami du héros, devenant lui-même aveugle au cours du film, pour une raison scénaristique inconnue, puis disparaissant au cours du récit, pour une raison scénaristique inconnue, avant de réapparaitre, ajoute une petite dose de drame inutile dans un film qui était déjà bien chargé en traumas.


Enfin, quoi de mieux pour finir qu'un trip sans intérêt à Paris, dans un film romantique boursouflé de superficialité ? On aura droit aux plans typiques devant la Tour Eiffel, Montmartre et Notre Dame, de notre couple de stars de cinéma prenant la pose pour leurs comptes Instagram, comme de bons touristes.


Au moins pouvait on se dire jusqu'à la première heure du film qu'on nous avait épargné les scènes tire-larmes d'une relation amoureuse vouée trop vite à se briser. La dernière demi-heure larmoyante, la morve dégoulinant du nez, viendra rattraper cet espoir perdu, en enterrant nos dernières forces.


Comme si ce n'était pas assez, l'acteur principal Sushant Singh Rajput s'étant suicidé au mois de juin, soit quelques semaines avant la sortie du film, sa mort vient hanter des passages entiers du film, ainsi que certaines répliques ("se suicider est un acte illégal", qu'on assènera à son personnage. Nous n'avons pas d'autres choix que de continuer à vivre, même si notre existence nous semble malheureuse). Alors que ce mélodrame en carton-pâte y était allé à la truelle pour nous monter une histoire triste, c'est de la vraie vie, celle qu'on a essayé tant bien que mal d'écarter du projet, que poindra un sentiment de perte et de tragique.

Cambroa
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le 30 juil. 2020

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