Détruite dit-elle. Se détruire soi d'abord, son soi intérieur, ses sentiments, ses mécanismes de pensée, d'action, de réaction. La révolution intérieure d'un être engendré par un événement passé : la perte d'un enfant, la perte d'une femme, d'un amour, ... Le film de Duras se déroule dans un lieu qui pourrait être un entre-deux, un espace-temps situé entre la vie et la mort (la destruction). A l'écran il s'agit d'un hôtel, plus précisément d'une maison de repos située au milieu de la forêt. Une forêt mystérieuse, angoissante, que l'on ne voit pas et dans laquelle on ne s'aventure pas. Au sein de cette bulle évoluent 4 clients, un couple, Max Thor et sa femme Alissa, un homme seul, Stein (Michael Lonsdale) et une autre femme, Elisabeth. Quatre personnages en attente, mais une attente sans but, si ce n'est l'avènement d'une apocalypse intérieure. Ils errent, marchent dans le parc, discutent, parlent de tout, de rien, d'amour surtout, de regrets, de désirs, de peur, ils parlent sans parler. Car les mots sortent, mais eux semblent être déjà ailleurs, perdus ailleurs, peut être dans cette forêt, au plus profond d'eux-mêmes. Les 4 s'observent, s'inter changent entre eux, s'intercalent, s'entremêlent. Ils ne savent plus. Ces gens là sont-ils fous, malades, peut être, mais ils sont avant tout humains et dans une impasse.
Dans ce lieu où règne un silence de mort, les seules manifestations de vie se retrouvent dans le chant continuel des oiseaux. Mais un chant qui est détruit par la solennité grave des mots échangés.
Ce silence de mort est également détruit par l'arrivée tardive du mari d'Elisabeth (Daniel Gélin), lui respire la vie, lui ne comprend pas, regarde ces gens avec un air interloqué (c'est d'ailleurs très drôle). Il ramène sa femme avec lui, ils semblent retourner dans le monde des vivants. Tandis que les 4 autres restent, s'enferment dans une obscurité étouffante, dehors le grondement de l'apocalypse se fait entendre.
Détruite dit-elle, ce sont aussi les mots de Duras. Car dans cette première incursion dans le cinéma, elle détruit totalement les codes de la narration, du dialogue, de tout. Ce n'est peut être pas encore aussi abouti que India Song, Venise..., mais c'est une expérience fascinante.
Teklow13
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le 2 avr. 2012

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Teklow13

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