Veerle Baetens racole à la peau

En passant derrière la caméra, la talentueuse comédienne flamande Veerle Baetens se fourvoie en adaptant au cinéma un livre à l’intrigue sordide, qu’elle met en scène de manière complaisante et pénible.

De nombreuses années après cet été où tout a basculé, Eva retourne pour la première fois dans son village natal avec un énorme bloc de glace dans son coffre, bien déterminée à affronter son passé.

Il y a des films qu’on regrette d’avoir vu. Parce qu’ils sont mauvais, faibles, oubliables. On est mécontent d’avoir perdu son temps et dépensé neuf ou dix euros pour une place de cinéma. ‘La débâcle’ ne fait pas partie de ces films-là. En revanche, on aurait souhaité ne pas l’avoir vu car les images nous restent en tête alors qu'on voudrait les oublier, notamment la dernière scène épouvantable.

Veerle Baetens fait s’alterner deux temporalités. L’une de nos jours, l’autre le temps d’un été quand le personnage était plus jeune. L’intrigue actuelle est l’itinéraire et même on pourrait dire, le pèlerinage mi-traumatique, mi-règlement de compte. Les flash-backs sont une sorte de teen movie sur fond de vacances d’été qui virent au cauchemar. La partie contemporaine est insupportable et totalement ratée, car elle est filmée au premier degré, sans distance. Filmé tel quel, le dernier plan met vraiment mal à l’aise.

La colère, qu’on peut ressentir devant ce film, ne doit pas faire oublier les qualités de la partie en flashback plutôt bien faîte. Veerle Baetens sait montrer ces vacances un peu « charnières » qui marquent la fin de l’innocence. Il y a ces parents au bord de l’implosion avec cette mère dure et ce père absent. Il y a cet ami qui a perdu son frère. L’actrice-réalisatrice montre d’ailleurs quelque chose qu’on a rarement vu sur les écrans : la cruauté entre adolescents. Elle filme ce qui commence comme un jeu entre ados et qui devient rapidement malsain jusqu’au drame, là aussi filmé de manière vraiment complaisante.

Il est toujours intéressant de voir un film réalisé par un ou une comédienne chevronnée. Qu’est-ce qui a motivé l’actrice à passer derrière la caméra ? Raconter une histoire très forte, évoquer un drame très dur assurément. Veerle Baetens a d’ailleurs le mérite de traiter son sujet avec frontalité. Mais c’est une chose de montrer, encore faut-il savoir comment montrer. Il me semble que la réalisatrice n’a pas trouvé le point de vue, l’approche. Ce qui rend les scènes violentes très dures à regarder. Elles laissent un arrière-goût très amer.

Le film a beaucoup qualités. La metteuse en scène sait distiller une angoisse, une atmosphère avec ce cheval que la jeune Eva empoisonne sans le savoir. Une mort qui n’annonce rien de bon et une image presque onirique qui traduirait le malaise ressenti par la jeune fille. La photographie des flashbacks estivaux est très belle, très lumineuse. Ce qui offre un joli contraste avec le drame qui va advenir. Veerle Baetens se révèle être une excellente directrice de jeunes acteurs qui sont tous excellents.

Malheureusement, on ne saurait faire la part des choses avec ce film entre ces nombreuses qualités et son défaut majeur. On ne peut dissocier le fond et la forme car on ne pardonne pas à l’actrice-réalisatrice de nous avoir fait voir des images qu’on ne voulait pas voir et surtout pas filmées de cette manière-là.