Creation Stories
Creation Stories

Film VOD (vidéo à la demande) de Nick Moran (2021)

Je ne sais pas si vous connaissez 24 hour party people de Winterbottom. Probablement un des meilleurs biopics & meilleurs films sur le rock, tout court. Il y était question de la vie de Tony Wilson directeur du Label Factory, animateur de télévision, patron de boîte de nuit etc... campé par le non moins imparable Steve Coogan. En entendant parler de Creation stories j'espérais que le miracle se reproduise, car détailler la vie des grands managers du rock indé est parfois plus passionnant que de suivre les redondantes pérégrinations des musiciens (cf les biopics des Runaways, Motley crue etc... ) . 


Les patrons comme Tony Wilson, Geoff Travis ou en l'occurrence Alan McGee croisent la route d'une multitude de groupes et de types complètement désaxés, talentueux, bizarres, égocentriques, intransigeants et leurs histoires sont souvent désopilantes (ah les fameux Happy Mondays dans 24 hour party people). Ce foisonnement de portraits est tout l'intérêt de ce genre de projet, au-delà de titiller notre collection de disques. Perso, je plonge avec une coopération absolue, dans les reconstitutions douteuses, grevées de perruques qui se voient à 6000 à la ronde et des ressemblances parfois contestables (Coogan / Wilson), pour peu qu'on respecte l'esprit du sujet. 


L'histoire du sorcier rouquin responsable de la découverte de Jesus and mary chain Boo Radleys My Bloody Valentine Primal scream ou d'Oasis ne peut être que digne d'intérêt. Surtout qu'Ewen Bremmer est un super acteur et qu'Irvine Welsh est impliqué dans l'écriture. Seule inquiétude, la présence de Danny Boyle à la prod tempère un peu les attentes. 


Et le début du film est très réussi. Le cadre familial dépeint de manière amusante et cash, l'attirance vitale pour la musique dans cette grisaille écossaise des 70' que l'on imagine plombante. Le choix entre job de merde, vie de famille déprimante et attirance pour Londres, les drogues, la musique et la liberté est vite fait. Si on connait un minimum l'histoire du bonhomme, on sait qu'il va surmonter les obstacles sur son chemin, malgré son amateurisme dans la gestion de base de comptabilité. L'amour sincère pour la musique fera le job. Encore faut-il raconter les success story de personnages cabossés avec un minimum d'originalité. Et ça coince un peu à ce niveau.


The rouquemoute strikes again


 Le montage est chaotique, on imagine que c'est pour coller à la vision embrumée de Mcgee, gros consommateur de drogues, mais l'intérêt de l'aller retour flash back / présent se pose. Cette interview accordée à une jeune journaliste, à l'évidence seule personnage fictif du récit, n'a que peu d'intérêt. On patiente jusqu'aux (trop courtes) rencontres avec les formidables Television Personnalities et autres oiseaux de nuit londoniens de l'époque, et si certaines scènes sont amusantes et plaisantes, bien que trop rares, le dernier tiers du film voit l'ombre de Danny Boyle grandir pour nous balancer ses scènes "poignantes" à deux balles destinées à émouvoir comme les américains en ont l'obsession depuis la vie est belle de Capra (Winterbottom s'est bien gardé de vouloir nous tirer des larmes de manière aussi mièvre). 


Et si la découverte d'Oasis relance un peu la machine, et que les désillusions politiques travaillistes sont bien étalées, il manque tout de même quelque chose à cette histoire. Sa rencontre avec les Libertines aurait pu donner un peu de folie au film. Creation stories reste bien sage au final, et le destroy ou le subversif se limite comme souvent à des scènes de gerbes, ou de bad trip (les effets spéciaux dans la chambre, ça passait dans Trainspotting ou las vegas parano il y a 25 ans, mais c'est devenu banal et très attendu). 


Un autre exemple de scène sans intérêt de pur remplissage : la découverte de l'acid house dans une boîte de nuit, totalement vaine, à la différence de celle bien plus réaliste et pertinente de 24h party people, puisqu'elle marque une mutation dans l'approche de la production de Tony Wilson. Ici c'est juste un prétexte à faire une chorégraphie assez laide dans un club. Il aurait pu s'amouracher de musique classique ou de polka que ça n'aurait rien changé au film.


Alors que l'histoire de Mcgee aurait dû être un cris d'amour pour une époque où les outsiders avaient plus d'influence que des PDG en costards, où l'on pouvait découvrir dans un bar pourri le groupe qui deviendrait plus grand que U2 en étant juste là par hasard au bon moment, il n'en est rien. L'embourgeoisement semble inévitable, le jeu étant de vendre toujours quelque chose, comme le conseille le Malcom Maclaren plus vrai que nature vers la fin.  Le film se termine avec une grosse gueule de bois, ce qui a le mérite au moins de coller à la réalité. Mais on a pas eu le frisson de l'apogée.


La conclusion est bien conventionnelle, était-ce pour faire plaisir à son propre sujet que le récit s'achève avec une accolade familiale si clichée... Malgré cette facture très hollywoodienne et un défaut de discernement dans le choix des anecdotes à raconter, Creation stories n'est pas non plus une purge honteuse, on passe un moment quoi, mais comme souvent on se demande si un documentaire rigoureux à base d'images d'archives et d'interviews des principaux intéressés n'aurait pas plus judicieux dans le fond. Plutôt qu'une fiction à la sauce Trainspotting (l'humour en moins) qui ne parvient pas à rendre totalement hommage ce tourbillon anglais des années 90.

Negreanu
6
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le 7 juil. 2021

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