Conann
6.6
Conann

Film de Bertrand Mandico (2023)

Sans conteste le long-métrage le plus WTFtesque que j'ai vu cette année. Les spécialistes et autres fans du réalisateur Bertrand Mandico vont certainement me dire "ben, c'est normal, ducon, c'est du Mandico !”. Oui, sauf qu'il faut me pardonner, c'est la première fois que je me confronte à son cinéma. Donc, s'il vous plait, pas taper, merci.


Conann, c'est le résultat du travail d’une équipe technique et d’une distribution aux compétences remarquables incontestables qui se lancent dans une odyssée de fantasy, ou plutôt une traversée des enfers, complètement punk, underground, gore, crade, ne cachant pas du tout son intention de choquer (ce qu'ils réussissent très bien !). D'ailleurs, au passage, ne mangez rien devant ce film, sinon vous allez en mettre partout et il faudra nettoyer après. Plus on avance, pire c'est. Le "meilleur" est gardé pour la fin. Bon appétit.


Techniquement, ça en jette sacrément, sur les plans des costumes, des décors, du montage et de la photographie (je vais revenir sur cette dernière, ou plutôt sur ces dernières, plus loin !).


Scénaristiquement, Mandico reprend très lointainement le Conan de Robert E. Howard, pioche quelques éléments chez celui, cinématographique, de John Milius (le traumatisme de la mère tuée et la vengeance de l'ancien esclave devenu barbare !) et s'inspire plus du personnage mythologique celte Conann. Et en parlant de mythologie, la protagoniste est guidée à travers une succession de tableaux par une sorte de démon à tête de chien ambigu, tour à tour aide et adversaire, avec peut-être la frustration d'un amour non partagé. Oui, pour celles et ceux qui kiffent le symbolisme ainsi qu'utiliser sa culture générale pour l'interpréter, il y a largement de quoi faire. Personnellement, à part les plus évidentes, je suis certainement passé à côté d'un très grand nombre de références.


Et angle féministe-LGBT+ tout ça oblige, le réalisateur prend le contrepied de la représentation du barbare de Robert E. Howard et tel que le cinéma hollywoodien l'a dépeint avec Arnold Schwarzenegger. On n'a plus affaire des silhouettes ultra-viriles, avec des muscles énormes de la taille de carcasses animales. On a affaire à des silhouettes féminines longues et minces qui trucident avec autant de bestialité.


Ah oui, pour en revenir à la photographie, le noir et blanc prédomine du point de vue de la durée. Mais ne croyez pas que c'est pour atténuer la violence de l'ensemble. Non, non, non... Il n'y a rien de plus marquant pour l'œil qu'une photographie en couleurs apparaissant après une longue phase d'exposition au noir et blanc. Et dans cette optique, la couleur peut s'amuser à surgir, même pour quelques secondes, aux moments les plus graphiques, comme pour nous troller.


Pour le récit, ce qui retient l'attention, c'est qu'on ne sait jamais à quoi on va avoir le droit au tableau suivant. La seule règle narrative attendue et respectée jusqu'au bout, c'est que l'héroïne vieillit au fur et à mesure des tableaux. Ce qui fait que l'on passe (à chaque fois, d'une façon brutale !) d'une comédienne à une autre, forcément plus âgée que la précédente.


Là est une petite faiblesse pour moi du tout, non pas du tout en ce qui concerne l'histoire (puisque ça suit une logique !), mais en ce qui concerne le charisme des comédiennes à se succéder. Ce n'est pas toujours le même niveau. Une Conann peut être moins intéressante et attachante (elle, pas l'intrigue autour d'elle !) que l'autre pour moi. À propos de cela, mon grand regret, c'est que le temps de présence de la Conann, incarnée par Christa Theret, ne soit pas nettement plus conséquent. Franchement, c'est celle qui passe le mieux à l'écran, qui se fond le plus admirablement avec l'esthétique d'ensemble. L'épée et le costume de guerrière fantasy lui vont à ravir. Je n'ai pas dû être le seul à le penser puisque le matériau promotionnel du film lui fait la part belle.


Cette petite déception mise de côté, Conann, avec deux N, est un OFNI, qui par son visuel incroyable, qui par sa plongée mythologique sans cesse imprévisible, mérite qu'on s'y attarde.


Plume231
7
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le 8 déc. 2023

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Plume231

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