Coco
7.7
Coco

Long-métrage d'animation de Lee Unkrich et Adrian Molina (2017)

On est un peu forcé d'admettre, au vu de sa production récente, que Pixar, c'est plus vraiment ça. Il prophétisait même la mise à la retraite d'une certaine génération à la fin de son avant dernier né, Cars 3, infantilisé à l'extrême. Une page semblait définitivement se tourner, une larme au coin de l'oeil, en repensant à une vingtaine d'années d'un succès quasi constant et d'une qualité toujours au rendez-vous.


Mais depuis quelques temps, la petite flamme a clairement vacillé. Jusqu'à ce que ce Coco vienne briser le cycle des suites plus ou moins inspirées entamé par le studio à la lampe. Pour une originalité retrouvée ? Un retour aux sources de ce qui rendait Pixar magique ?


Le sujet est inédit, oui. Plongé dans un Mexique bigarré et réaliste aux couleurs chatoyantes de la tradition du jour des morts, on a enfin osé lancer une jolie création dont l'atmosphère sort (relativement) des sentiers battus, qui accrochera sans doute le spectateur dans son aspect graphique superbe entre deux mondes. Terre cuite, vieille pierre et néon fluo s'y côtoient dans une aventure étrange, à la fois trépidante une fois passé le premier quart d'heure, et empreinte d'un certain recueillement. Car au delà de sa lumière multicolore, Coco, c'est avant tout un film d'animation qui traite de mémoire et d'héritage, thématiques qui auraient pu donner quelque chose de formidable.


Auraient pu... Oui.


Parce que parler de retour en évoquant Coco, m'apparaît un peu optimiste.


Entendons-nous bien, les amis. J'ai passé un bon moment. C'est vraiment pas mal, Coco. C'est solide, c'est beau et on ne s'ennuie pas un seul instant. Mais malheureusement, si l'on met de côté la perfection technique habituelle du studio Pixar, je n'ai presque jamais eu l'impression d'être... Devant un Pixar, justement. Et c'est là que le bas blesse pour moi.


Parce que les enjeux demeurent tout d'abord extrêmement simples et classiques, se résumant à une tentative de retour dans un monde dans lequel le héros voit ses rêves lui être refusés. Rien de bien neuf sous le soleil, même si Lee Unkrich fait en sorte que l'intérêt du spectateur ne fléchisse jamais. Parce que la morale du film, quand, il y a longtemps, Pixar se passait de mots pour délivrer son message, est martelée assez régulièrement. Comme, finalement, chez la plupart des autres studios d'animation aujourd'hui. Parce ce que le méchant est écrit de manière unilatérale et manichéenne. On le voit venir de loin dans ses objectifs et dans ses stratagèmes déployés.


Mais surtout, Coco est, très longtemps, tout simplement privé de ce petit supplément d'âme et de coeur qui faisait tout le prix, autrefois, des productions Pixar. Ce petit supplément qui faisait que l'on s'attachait immédiatement à chacun des personnages, que l'on avait peur de ce qu'il pouvait leur arriver, que l'on restait collé au siège lors des climax désespérés auxquels ils se voyaient confrontés.


Dans Coco, j'ai attendu longtemps cette émotion toute pixarienne, qui pourra sembler au spectateur, durant la quasi intégralité de la séance, comme faisant partie d'un lointain passé. S'il s'intéressera aux péripéties de Miguel et de sa famille, il les suivra parfois d'un oeil légèrement distrait, parce qu'il saura comment tout cela s'orientera et finira, tous les éléments scénaristiques les plus classiques étant convoqués du côté du royaume des morts, twists attendus compris.


Jusqu'à ce qu'une chanson ponctue la disparition d'un personnage, séquence assez touchante, avant qu'une autre suscitera enfin la petite larme attendue, parlant enfin du souvenir en le confrontant à la fragilité désarmante de la vieillesse. Le temps de quelques trop rares et précieuses minutes, Pixar se montre capable de renouer avec sa magie originelle, dans un propos semblable à celui d'un des plus fabuleux passages de L'Oiseau Bleu de Maurice Maerterlinck.


Oui, Pixar réussit à franchir le pont de l'entre-deux mondes qu'il met en scène, mais ces deux hoquets arrivent un peu trop tard, malheureusement, pour hisser Coco au firmament du studio, très loin des moments de grâce pure et instantanément immortelle dont sont irrigués Toy Story, Monstres et Cie, Wall-E, Là-Haut ou Vice-Versa.


Dommage.


Behind_the_Mask, comme un mariachi sans sa guitare.

Behind_the_Mask
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le 2 déc. 2017

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