Suite au décès de sa mère adorée, Claire, une call girl, tente de changer de vie. Il lui faut pour cela échapper à l'emprise de son mac, Roland Caine, à qui elle doit une grosse somme d'argent. Elle lui tait soigneusement la mort de sa mère pour pouvoir fuir New-York. A Chicago, elle retrouve sa cousine qui lui trouve un job d'esthéticienne. Celle-ci fait figure de modèle, notamment parce qu'elle a un enfant... Claire fait la connaissance d'Elton, un séduisant chauffeur de taxi. Mais Caine ne tarde pas à la retrouver...

Puisqu'il s'agit de se libérer, Lodge Kerrigan fait démarrer son film avec Claire enclose dans une cabine téléphonique (c'est la call girl qui appelle : premier signe d'une femme aux abois). Par la suite, il ne va cesser de multiplier à l'écran les stries, verticales et horizontales. Déjà, le générique nous montrait un building tapissé de fenêtres, quadrillage géométrique probablement influencé par le célèbre début de La mort aux trousses. Kerrigan va ensuite soigner ses arrière-plans pour que les lignes soient omniprésentes. Trop : je commence à entendre la voix du réalisateur qui me susurre à l'oreille : "tu as vu comme je maintiens mon parti pris ?" Ce qu'on appelle une mise en scène tapageuse, à coup d'immeubles qui se reflètent dans les vitres. Idem pour les voitures qui passent au premier plan, procédé repris avec trop d'insistance. Résultat, là où j'aurais pu m'extasier devant une scène de fellation captée sur le reflet d'un écran de télé, je m'agace.

Pas dans mes habitudes. Lorsqu'un réalisateur soigne la forme, puisqu’il se trouve toujours quelques grincheux pour dénoncer un cinéaste "prétentieux, qui se regarde filmer", je prends d'ordinaire la défense de l'attaqué, tant sont légion ceux qui ne se préoccupent pas de ce qu'ils mettent dans le cadre. Pour une fois je vais être le grincheux.

Peut-être parce qu'en dehors de ce parti pris formel, le film de Kerrigan n'offre guère à se mettre sous la dent ? Je n'ai jamais pu ressentir d'empathie pour cette femme glacée et glaçante, qui finit par lâcher un sourire au bout d'1h40, en découvrant son fils lors d'une échographie. Pas plus que pour le palot taximan, même quand il se fait braquer dans un quartier chaud. Les scènes de sexe ne contribuent pas à singulariser le film : bien trop nombreuses, souvent convenues, parfois ridicules lorsqu'elles se font violentes entre Claire et Elton.

Certes, Katrin Cartlidge, rendue célèbre vingt ans plus tôt par le Breakin the waves de Lars Von Trier, parvient à restituer la nervosité de son personnage, toujours sur le qui-vive. Ce jeu + le quadrillage permanent expriment bien la sensation d'un piège auquel on tente d'échapper. Et je rends aussi cette justice à Kerrigan que son mac, joué en contre-emploi par Colm Meaney, n'est pas cliché : la menace qu'il fait peser sur Claire est insidieuse, voilée, et notre homme est d'autant plus inquiétant qu'il se montre attentionné et prévenant. On saluera aussi quelques chouettes plans, comme cette succession de taxis verts devant une façade.

Mais après ?... Faute d'avoir rendu ses personnages attachants, Kerrigan livre un film désincarné comme la prestation d'une call girl. On peut y voir une cohérence par rapport au propos, ou bien seulement une promesse non tenue : car cette femme qui cherche à effacer la griffe de son passé devrait nous devenir proche pour que le film fasse sens. Raté.

Jduvi
6
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le 25 oct. 2022

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Jduvi

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