L’enfance tue
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Charles Foster Kane meurt doucement dans son improbable château. Ancien magnat de la presse, milliardaire à la vie riche et remplie, il chuchote avant de rendre l'âme ce dernier mot :"Rosebud". Pourquoi ?
Le film commence sur un plan de Xanadu, l'immense demeure de Charles Foster Kane, sorte de fusion improbable entre le château de Dracula et un temple maya. Il y a une touche fantastique ici, qu'on retrouvera à la fin du film, lorsque l'on visitera un peu ce château.
L'une des grandes réussites de Citizen Kane est qu'aujourd'hui encore, après 70 ans, il ne se regarde pas comme un classique demandant un effort, mais tout simplement comme un film. Montage, placement de la caméra, c'est aussi dans le jeu naturel des acteurs qu'on se retrouve en tant que spectateur de tout calibre. On est assez loin du "théâtre de cinéma" (expression de mon invention) où les acteurs prennent la pose, déclament, où les gestes significatifs et les expressions faciales sont accentués comme pour marquer le spectateur. De même il ne demande pas de culture cinématographique pour s'apprécier, il peut encore facilement se trouver un public aujourd'hui.
Le film se déroule comme une enquête. Un reporter, cherchant à faire la lumière sur ce dernier mot énigmatique (Rosebud), va interroger les anciens collègues et collaborateurs du magnat, sa deuxième femme. Ainsi par flash-back, on nous raconte l'histoire de Charles Foster Kane, un homme qui aime le contrôle. Ce qui favorise sa spectaculaire réussite du temps de sa jeunesse l'aliénera progressivement par la suite.
Orson Welles s'est inspiré d'un magnat de la presse écrite, William Randolph Hearst, mais on peut y voir aussi le destin de Howard Hugues, lui aussi fana du contrôle, qui possédait une CIA personnelle ayant entre autres la charge de surveiller ses petites-amies. En version cinématographique, le destin du magnat du pétrole de There Will Be Blood, jusqu'à l'explosion de violence finale, a de nombreuses ressemblances avec Charles Foster Kane.
Si le film est passionnant par l'histoire qu'il raconte, il l'est également par les procédés cinématographiques et l'utilisation de trucs visuels. La façon dont Orson Welles se vieillit par exemple, très astucieuse, en changeant sa voix et sa démarche, en se grossissant, en rentrant sa mâchoire inférieure pour se faire un double menton. Il y a peut-être un plan, sur la fin, où son visage fait trop jeune, mais le reste du temps c'est très bien fait. Quand on compare aux innombrables films, jusqu'à aujourd'hui, où le vieillissement est souvent une affaire délicate et ratée, on ne peut qu'être admiratif.
Pour le reste, à base de trompe-l'oeil et de maquettes, Orson Welles nous livre des décors à la hauteur de son personnage, jusqu'à ce Xanadu, aux intérieurs immenses et terrifiants où s'entassent des statues grecques.
Certes, Orson Welles en fait trop, trop de modernité, d'effets visuels, trop de tout. Normal. C'est le premier film d'un esprit bouillonnant, il fallait que ça sorte. Pourtant, ce trop ne dessert jamais le film, il participe pleinement à l'édification du portrait d'un personnage qui, lui aussi, en fait trop.
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Créée
le 5 juil. 2016
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