Charles Foster Kane est mort à soixante-dix ans, bien seul dans son luxueux château. Au moment de son décès il tenait dans sa main une simple petite boule de verre contenant une maison et des flocons de neige. Cette petite boule a roulé à terre juste après que, dans un dernier souffle, l'homme ait prononcé "Rosebud". L'infirmière recouvre le corps et ainsi se termine la vie d'un homme dont l'enfance ne présageait nullement qu'il serait un jour l'une des personnalités dotées d'une fortune colossale et d'une existence hors du commun. Dès l'annonce de la mort de Kane toute la presse et les caméras s'emparent de ce sujet afin de résumer la vie très mouvementée de Kane. C'est alors que le directeur de l'agence qui a filmé cet évènement va déléguer l'un de ses journalistes, Thompson, pour qu'il tente de trouver l'énigme de ce dernier mot prononcé par le défunt: "Rosebud". Ce mot va permettre au journaliste de nous faire découvrir la vie insolite de Charles Foster Kane.


En fait l'histoire incroyable de ce richissime personnage va démarrer de manière inattendue un jour d'hiver en 1871. Alors que le petit Charles joue dans la neige avec son traîneau auprès de la maison familiale sa mère le confie à un dénommé Tatcher. Le déchirement du départ est total pour Charles laissant derrière lui une mère rassurée face à un père désabusé. Quelques années après sa majorité il possède déjà la sixième fortune du monde grâce à une mine d'or reçue par sa mère de la part d'un débiteur. La chance était tout de même de son côté car Charles n'était pas le meilleur élève de sa promotion mais l'homme ayant la passion du journalisme va s'emparer du modeste journal "L'Inquirer". Sa main de fer et son abnégation ajoutées à des méthodes de management révolutionnaire vont faire que ce journal va atteindre un tirage énorme et avaler ses concurrents. La griserie commence à faire son effet, Kane veut tout. Des navires, des œuvres d'art en pagaille envahissent son château. Il possède aussi une chaîne de radio, un patrimoine immobilier. Il se marie avec Emily, la nièce du président de la République des Etats-Unis. Pris par ses activités le couple devient tumultueux. Le milliardaire va alors aller encore plus loin en voulant se présenter aux élections contre son oncle. Là Kane ne se relèvera pas car son adversaire Gettys, après l'avoir prié de retirer sa candidature et devant l'entêtement de son challenger, va révéler la liaison de Kane avec Susan, une jeune femme travaillant dans une boutique de musique. Le divorce avec Emily est consommé. Le milliardaire rêvant de voir Susan comme cantatrice fait construire l'Opéra de Chicago. La chanteuse, sans aucun talent, se produit alors et bien sûr le public et la presse ne suivent pas. La chanteuse et Kane sont traînés dans la boue. Après ses incartades Kane est lâché par tous même par Susan, lasse d'une vie de recluse. S'en est alors fini de la puissance de Kane qui restera seul dans son château, entouré des ses œuvres d'art au milieu desquelles il finira sa vie oublié de tous.


Voici l'histoire d'une vie exceptionnelle d'un homme exceptionnel. Peut-on trouver le personnage de Charles Foter Kane antipathique? Et là je dirais oui et non. Non car Kane était un petit garçon bien tranquille et insouciant comme beaucoup de gosses. Il n'avait rien demandé et un beau jour sa mère le confie, contre l'avis de son père, à un précepteur qui va gérer sa fortune. A partir de ce moment Kane va assouvir ses passions, d'abord la presse, puis la radio, puis les navires sans compter ses luxueuses propriétés, ses œuvres d'art, son immense château et pour conclure, l'Opéra de Chicago. Kane est un homme qui affectionne les médias, il est d'ailleurs assez novateur pour la gestion de ses entreprises ce qui l'amène à faire de la politique. Ses adversaires vont le décrire comme "communiste". Jusque là rien de très négatif dans le comportement. Seulement je dirais oui parce que Kane a une personnalité très particulière qui dépasse son acharnement au travail. Il lui faut tout, ses proches deviennent ses "choses", ses jouets. Sa mégalomanie est sans limite et son machisme important. L'homme ne supporte plus la concurrence, il ne supporte plus la moindre entrave à ses projets ahurissants et il devient alors capable de toutes les folies, ces folies qui vont le perdre à tout jamais. Il néglige sa première femme et va se servir de Susan sa seconde épouse afin d'assouvir je ne sais quelle envie en la faisant passer pour une diva et cette femme subit l'humiliation totale mais Kane passe outre puisqu'il lui a même fait construire un opéra. Pour lui, elle ne peut être qu'heureuse car sa marionnette chante et c'est Kane qui l'a fabriquée. Il est tellement sûr de sa réussite que, malgré les avertissements de dénonciation de sa vie dissolue, il se présente aux élections et là le désastre se produit car en Amérique ces affaires sont très influentes sur la pensée des électeurs.


Cette histoire est passionnante, émouvante et dure à la fois et l'on peut dire qu'Orson Welles qui s'est inspiré largement de la vie de l'homme d'affaire et magnat de la presse américain William Randolph Hearst, nous fait une offrande avec ce chef-d'œuvre. Peut-on penser qu'il s'agit du plus grand film jamais réalisé ? C'est difficile à dire mais il faut avouer qu'il est impossible de reconnaître le moindre défaut à ce film inoubliable, ce film que l'on a envie de voir et de revoir grâce à la fascination qu'il crée. Les flashbacks qui retracent les différentes périodes de la vie de Kane sont d'une trouvaille exceptionnelle. On ne perd jamais le fil du sujet et le fait de synthétiser cette vie exceptionnelle sous forme d'une enquête afin de découvrir la signfication de "Rosebud" est tout simplement géniale Dans le rôle de cet homme qui se perd dans ce tourbillon, Orson Welles est fantastique. Il nous offre le rôle de sa carrière en homme qui veut de l'amour mais qui ne peut en donner. Orson Welles s'est entouré d'excellents comédiennes et comédiens à commencer par Dorothy Comingore dans le rôle de cette pauvre Susan qui n'aura jamais connu la gloire, recluse entre le château de son époux et l'opéra pour lequel elle n'aura que du dégoût, consciente de ses limites en matière de chant. Elle finira dans les bars, usée par la vie et l'alcool. Ruth Warrinck tient de très belle manière le rôle d'Emily, la première femme de Kane qui va contribuer à mener son mari dans un véritable guet-apens qui sera déterminant pour son déclin. Joseph Cotten tient le rôle du meilleur ami de Kane que poursuit Thompson, un journaliste opiniâtre interprété par William Alland. Tous deux nous permettront de découvrir tous les méandres de la vie de Kane.


Que dire de plus sur cette œuvre majeure du cinéma mondial sinon qu'elle fut boudée à sa sortie par le public et que ce fut donc un gouffre financier ? En fait rien d'autre si ce n'est que je vous encourage à la voir et la revoir car ne comptez pas sur moi pour vous livrer le secret de la signification de "Rosebud". Thompson le journaliste et Leland, l'ami de toujours de Kane, vous y aideront peut-être...

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le 11 août 2013

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