La jeune pucelle décérébrée et le grand bourgeois sodomite

Merde, je n’étais pas prêt… Ô puissants membres de la confrérie des adorateurs du cinéma, accordez-moi le pardon d’être parti voir ce film le jour de sa sortie : le 11 février 2015, à jamais gravé dans ma mémoire… C’est sous la contrainte des coups de fouet de ma copine que j’ai dû céder et collaborer. Il est clair qu’aucune parole ne pourra pardonner cet acte de grande barbarie, mais laissez-moi vous écrire cette critique en guise d’excuse… Voilà donc 50 nuances de Grey, l’adaptation du roman du même nom que toutes les femelles en chaleur de la planète s’arrachent. Tirons un portrait du public qui est, comme vous pouvez le deviner, constitué de 90% de femmes et à 10% d’hommes soumis à leur femme. On me rabâche les oreilles depuis plusieurs semaines pour me dire que je devrais arrêter de critiquer un film que je n’ai pas vu, un livre que je n’ai pas lu ou une musique je n’ai pas écouté. Vous me direz qu’il est facile de s’acharner sur des œuvres en les critiquant, certes mais ce film avait tous les moyens financiers pour réussir contrairement à d’autres, je n’ai donc aucune pitié tant les messages qu’il fait passer sont à gerber. En lisant quelques résumés et quelques critiques des romans d’E.L James il est sûr que quand on achète sa place de ciné pour voir ce film, on ne doit pas s’attendre à du Kubrick ou du Haneke, mais de là à nous faire subir un tel moment d’effroi…

A l’annonce de la réalisation d’un film tiré de la trilogie Fifty shades, il est vrai que les préjugés m’ont envahi et je pensais sincèrement que ce film allait se résumer à de multiples scènes de sexe simplettes. Si seulement ce long-métrage avait eu seulement cette prétention… La trame idéologique du film s’enfonce dans je ne sais quel sexisme et machisme, merde. Depuis des siècles des femmes se battent pour leurs droits et on vient nous assommer avec ces conneries ! En 1968, Pierre Desproges criait son amour pour la femme dans son ouvrage La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute ; je cite : « Les femmes n’ont jamais eu envie de porter un fusil, pour moi c’est quand même un signe d’élégance morale ». Mesdames dites-moi où est passée votre élégance morale en vous ruant dans ces salles bondées pour y visionner un film où le héros que vous idolâtrez rabaisse la femme au niveau d’esclave sexuel ? En plus de ça, croyez-vous que ce soit bon pour vos enfants de donner un tel modèle de société que celui dépeint dans cette « romance » ? Une belle jeune femme rencontre un homme riche, beau et intelligent qui la bourre de cadeaux et d’autres choses. On n’appelle pas cela du romantisme mais de la naïveté. Puis désolé de vous décevoir, cela ne vous arrivera pas, vous resterez surement toute votre vie avec votre bon gros mari aux abdominaux Kronenbourg, mais au moins il vous aime et vous considère comme votre femme et non comme un objet sexuel.

A l’argument « oui mais il n’y a pas que du cul, c’est une histoire d’amour », je répondrai : non attendez, je vais vous donner quelques exemples d’un romantisme poignant au cinéma:
- le couple qui subit les épreuves de la vieillesse et des maladies dans Amour de Michael Haneke,
- un couple éphémère d’homosexuel qui tente de survivre dans une région raciste et homophobe des USA dans Le secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee,
- Humphrey Bogart et Ingrid Bergman dans Casablanca,
- Clint Eastwood et Meryl Streep dans Sur la route de Madison etc…
Mais pas ce putain de navet mercantile et puéril s’il vous plait ! Cinquante nuances de Grey est ce que l’on appelle un « soft-porn » avec 20 minutes de scènes osées et dénudées sur 2 longues heures de film. Ce qui m’inquiète ici c’est la décision du CNC d’interdire ce film aux moins de 12 ans. Réflexion faite, cela voudrait dire que votre enfant de 13 ans aurait le droit de voir deux adultes à poil se fouetter et s’attacher pour assouvir certaines pulsions sexuelles sadomasochistes. L’interdiction aux moins de 16 ans aurait été requise. En plus de tout ça, les dialogues sont insipides et parfois tellement risibles. C’est digne de ce que le film est : une romance concupiscente à la mords-moi-le-nœud. La bande originale qui en séduira plus d’une, est putassière au possible et n’embellit guerre le mauvais film révérencieux qu’est 50 nuances de Grey. Oui, ce film manque d’irrévérence malgré les (mauvaises) scènes osées.

Pour enrober le tout, les faits sont plus invraisemblables les uns que les autres. La jeune protagoniste qui sort en boite se bourrer la gueule qui appelle le beau milliardaire qui la retrouve on ne sait comment, surement grâce au GPS intégré au bout de sa queue, Anastasia s’en va en Géorgie voir sa mère et son beau Christian la retrouve encore une fois sans qu’elle ne le sache, cela doit encore être son GPS intégré... Alors que l'on a plus ou moins résisté aux 3/4 du films, notre réalisatrice frustrée se lance dans le pathos puant avec les révélations secrètes de son héros qui aurait souffert de la faim et qui aurait connu une enfance traumatisante, voilà une idée aussi mesquine que bien-pensante dont elle nous fait part. Le pire dans toute cette mascarade c’est qu’on va devoir observer ces deux jeunes acteurs dénués de talent réussir là où de nombreux meilleurs ont échoués et sont passés aux oubliettes. Mais le PIRE du PIRE c’est que c’est le premier volet d’une trilogie qui fera des millions d’entrées en France… Je vous donne un conseil, ne faites pas l’erreur d’aller voir ce film, ne dépensez pas 10€ là-dedans, sortez et donnez-les au premier SDF que vous croisez (qui lui en aura besoin), puis retournez chez vous voir une bonne vidéo porno. 100 millions de livres vendus à travers le monde, une promotion assourdissante et au final un film fade, sans saveurs, sans particularités, un film de 2h qui aurait pu se résumer en un court-métrage allemand de 8 minutes sur youporn. Et là au moins on pourrait voir quelque chose de concret sans prétention moraliste particulière.
baptistevanbalbergh
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le 12 févr. 2015

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The Passenger

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