Tout commence par une scène se déroulant en extérieur, en journée, une petite fille en robe blanche, dont on ne distingue le visage, s’enfonce dans une forêt lugubre, cadrée en plans larges supplantant parfois notre vue au grès d'un feuillage frémissant dans l'inquiétant néant bucolique, tout cela cadencé par un rythme lent ainsi qu'une une musique presque sourde. Un gros plan sur une poupée (facile, voire amateur, mais crispant lorsque l’on y est sensible), une rivière, et un ralenti en arrière-plan déstabilisant. Les plans s’enchaînent en nous annonçant l’approche inexorable du sursaut jusqu’à aboutir à une rencontre entre une femme inconnue qui passait par là avec sa voiture et la jeune fille. Cette dernière se retourne. Elle nous révèle un air étourdi, légèrement paresseux, ainsi qu’un globe oculaire vide, grimé d’une immense bavure écarlate, et un œil encore rouge empoigné dans sa main droite. Logiquement, c’est maintenant qu’il faut sursauter. En somme, rien de très surprenant jusque-là, une mise en scène assez classique mais prenante. Cependant, un problème persiste : le film s’appelle « Child Eater », comment se fait-il que l’œil qui a été arraché à la petite fille se retrouve dans sa main ? Ne devait-il pas être mangé par le monstre ? En réalité cela importe peu lorsqu’on voit le reste du film puisque cette séquence d’ouverture est sans doute la seule séquence du film qui marquera réellement les esprits et qui vaille simplement la peine d’être regardée. Tout le pouvoir de mise en tension réside dans cette séquence, et le même effet nous est promis durant les 30 premières minutes jusqu’à échouer lamentablement au moment fatidique. Le prochain « screamer » est encore plus prévisible et transforme le film en un gore laxatif mais peu lisible à cause d’un forçage sur l’obscurité, des entrées de champ qui vous feront sourire et une musique inutilement grave par instant.


Le film n’invente absolument rien en termes de montage et de mise en scène mais le plagiat procure au film deux ou trois plans bien composés, à la fois esthétiques et vecteurs d’une émotion angoissante. Le champ-contrechamp du gamin avec « l’ornithologue » accentue le mystère à cause d’un subtil équilibre entre suggestion et monstration. Le camouflage des personnages est réussi et la multiplication des zones d’incertitudes (forêt, cabane, placard…) produit un sentiment d’anxiété diffus. De même pour le jeu de la profondeur de champ, certes minimaliste, dans la chambre du garçon qui octroie une peur lente et progressive. Mais dès la première apparition du monstre dans le placard, plus rien ne marche, tout s’effondre. Tout ce travail de suggestion si classique mais si prenant, cette latence si angoissante, ce magnétisme horrifique s’anéantit lorsque le maquillage grotesque apparaît. La menace est identifiée… et elle ne fait pas peur ! Ce « croque-mitaine » à l’allure anthropomorphe, qui, en tout bon méchant marécageux, nous fait découvrir avec exaltation sa dentition si propre et alléchante, et ce lorsque l’on se trouve pile sous son nez, n’hésite pas non plus à attaquer ses cibles de différentes manières afin d’enfouir sa cohérence dans les profondeurs de l'absurde et de se réduire à une signification de « deus ex machina ». Le légendaire « croque-mitaine » passe pour un méchant stérile, dont les attaques, variant entre pièges à ours et léchouilles, font avancer le scénario au rythme voulu.


Les autres champ-contrechamp sont trop monotones, statiques et rien ne vient révéler la psychologie des personnages si ce n’est quelques dialogues assez pauvres et un jeu d’acteur favorisant l’émersion. Le petit film fantastique gore se fait finalement passer pour un film d’après-soirée, pour décuver tranquillement avec quelques potes bienheureux, sans trop réfléchir à ce qu’il s'y passe…

Antlast1
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le 26 mars 2019

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Antlast1

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