Charlot boxeur par Maqroll
Troisième film tourné pour Essanay, Charlot boxeur me paraît constituer un tournant important dans l’œuvre de Chaplin. Le personnage de Charlot - le vrai, celui qui va demeurer pendant vingt cinq ans - est posé dès la première séquence où, sans le sou parce que sans travail, il partage sa maigre pitance avec son chien. Puis, il va justement trouver un emploi, celui de sparring-partner à un terrible boxeur… qu’il met au tapis en un rien de temps grâce à ses qualités d’esquive et de riposte. Dans l’entraînement du nouveau challenger comme dans le match qui suit, on peut d’ailleurs admirer une fois de plus les qualités d’acrobate professionnel de Chaplin. À noter qu’Edna Purviance est encore là, dans le rôle de la fille de l’entraîneur de Charlot, le cœur de ce dernier n’étant pas insensible aux charmes généreux de la belle. Ce film est tellement fondateur qu’il en a inspiré vraisemblablement plusieurs autres : Une vie de chien pour la séquence du début, Le Cirque pour celle de l’entraînement et bien sûr le fameux combat de boxe des Lumières de la ville pour le combat final. Ce combat final est d’ailleurs à lui seul un morceau d’anthologie où Chaplin transcende tout ce qui se faisait avant lui (poursuites, combats) pour en faire quelque chose de personnel grâce d’une part à ses qualités d’acteur et d’acrobate (qui lui confèrent une poésie gestuelle inimitable) et à ses qualités de metteur en scène qui lui permettent d’aller à l’essentiel du comique en supprimant tout ce qui est de l’ordre du vulgaire ou de l’artificiel. L’ensemble est cohérent, les gags sont bien enchaînés, le scénario est linéaire, la mise en scène est efficace… ce troisième film chez Essanay est déjà un des meilleurs de cette année-là.