Un hôpital de banlieue parisienne. Lui, sa femme est hospitalisée en phase terminale d'un cancer. Elle, son concubin est hospitalisé pour un début de cancer. Lui est professeur de lycée, plutôt réservé, accablé de ses principes moraux, accordant de (trop?) l'importance à l'image qu'il renvoie. Elle est graphiste, totalement spontanée, exubérante et ne semble pas maîtriser parfaitement les codes et usages de la vie en société. Il vit avec la fille de sa femme et tente d'assumer pour elle le rôle imposé du père qu'il n'est pas. Elle vit seule et tente de trouver à l'hôpital quelqu'un de susceptible de la rassurer, de l'écouter et de supporter cette peur qui la rend malgré elle indifférente au sort de son compagnon.
Lui, c'est Vincent Lindon, juste comme lui seul est capable de l'être, tout à tour touchant, taciturne, se refermant comme une huître lorsque les mauvaises nouvelles se succèdent.
Elle, c'est Emmanuelle Devos, qu'avec ce film j'accepte enfin comme une grande et belle actrice. Parfois naïve, dérangeante quand elle refuse de sacrifier sa qualité de vie pour son compagnon gravement malade. Elle, qui se découvre malgré elle égoïste.
Ils se percutent au sens propre comme au figuré, elle semble très vite savoir ce qu'elle veut, lui garde ses distances un moment, rigueur morale oblige. Ils finissent par s'ouvrir l'un à l'autre et commencent à s'aimer, d'un amour que le spectateur est incapable de définir tant on ignore tout de ses raisons, ne serait-il que physique ?. Les questions que leur pose cet amour semblent les torturer. Ont-ils seulement le droit ? Sont-ils déjà en deuil de l'être aimé alors que la mort n'est pas encore là ? Sont-ils simplement en train de satisfaire un besoin primaire ? L'autre ne serait-il finalement qu'un moyen d'évacuer physiquement toutes leurs peurs et leurs doutes sur l'avenir ?
Le dénouement est douloureux, cruel même et de plusieurs manières. Les deux vont devoir souffrir, aucune fin heureuse ne pouvant s'offrir à eux.
Le parti-pris d'Anne Le Ny est clair, la maladie n'est pas le centre du film, elle veut montrer le sort de ceux qui restent. Pas d'images de chimiothérapie donc, pas d'entretien avec le médecinquisaittout, pas même une seule image des deux malades. Cet aspect de l'histoire n'est que suggéré, la caméra voit s'ouvrir la porte de la chambre mais elle n'ira pas plus loin, on sert ainsi le propos du film et on évite tout risque de pathos et de mièvrerie.
Ce film frappe fort, mais sans violence et irrésistiblement on pense à ceux qu'on aime. On se pose une question: comment vais-je tenir le jour où cela m'arrivera ? On se fait une réflexion: pourvu que ma vie m'épargne une telle épreuve.
A-t-on plus peur de sa propre mort ou de celle qui viendra un jour faucher celui ou celle qu'on aime ?
Et parfois on pleure...
Jambalaya
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le 2 déc. 2012

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