Des images se succèdent et provoquent rapidement le malaise. Un logo qui s'affiche partout : un carré blanc symbolisant cette chaîne du froid où travaille la mère de Philippe, et des tours à perte de vue montées comme un jeu de Lego, dénotent une société conformiste et bien rangée. Une voix se fait entendre d'un haut-parleur et informe la cité endormie des nouvelles du jour, sempiternelles répétitions incitant à devenir un femme, ou mise en garde de ne pas stationner sur les filets, rythmées par des réclames d'insémination artificielle ou l'annonce d'un carnet rose : voix suave qui contraste avec la froideur ambiante d'une nuit sans vie ou d'un parking condamné à ne jamais voir le jour...

Dans Carré Blanc, tout est gris, froid, austère, et nos héros sont prisonniers ou victimes, perdus d'avance.

Philippe atterrit dans une maison où des méthodes peu orthodoxes sont pratiquées sur les enfants trop sensibles. Il a pour tout bagage la vision de sa mère angoissée qu'il ne devienne comme eux et la douce histoire de petit ourson. Marie le sauve de cet état de condamné. L'histoire reprend alors qu'ils sont mariés, mais le cadre est le même. L'amour n'a rien sauvé, il n'a même pas apporté cet enfant tant désiré. Philippe apprend aux gens à s'endurcir, leitmotiv d'une vie soumise aux rapports de force. Marie (Julie Gayet) erre dans ce monde comme un fantôme refusant d'abdiquer et assiste impuissante à la conformité de son mari (Sami Bouajila), produit monstrueux de la société. Ils sont tous deux épatants de crédibilité, entre force et fragilité, faces noire et blanche de la personnalité.

Filmer l'absence de vie, la déshumanisation généralisée, implique un travail de composition qui, loin d'être fantastique, imagine une société poussée à son paroxysme dans l'indifférence et la conformité. On est interpellé par certaines scènes comme ce gardien de parking qui tient une mitraillette en plastique assis dans le canapé de son salon, mais surtout par la violence sournoise ou affichée émanant de ce film. Carré Blanc est quasiment photographique : lisse, teinté, sombre ou éclairé par la lumière artificielle. Cet esthétisme des plans forge ce côté atypique du film qui se démarque de tout ce qui peut se voir à l'écran. Ni le jour – toujours blême – ni la vie, n'ont ici de droits d'entrée.

On est surtout touché par cette métaphore de la société qui ne laisse parfois pas de choix de liberté et cloisonne les êtres dans des vies monotones en perdant de vue certains rêves. L'ours polaire vit dans un monde glacé en perdition. Mais lui n'a ni froid, ni peur. Peut-être sommes-nous des êtres à sauver avec autant d'urgence ? Du moins faut-il tendre vers cette absence de conscience pour garder pureté et douceur...
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le 11 sept. 2011

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