Dommage… C’était assez facile de faire mieux.

Un documentaire se juge sur deux choses : sa qualité esthétique et sa qualité informative. D’un côté, il faut que ce soit beau et de l’autre, qu’on apprenne des choses, c’est-à-dire qu’on ait été informé par le film.

Ce film est correct mais sans plus sur le plan de l’esthétique. Mais alors sur le plan de l’information, c’est assez merdique. On ne va pas se le cacher.

Bon en gros… Carlos est un membre de la haute bourgeoisie française qui a bâti sa fortune dans les années 1980 en pleine explosion du néolibéralisme. Il se spécialise dans les délocalisations et il a appliqué des techniques de management développées en Allemagne et aux Etats Unis style Reinhard Hönh, afin de « baisser les coûts » (virer des gens pour délocaliser dans des pays pauvres avec des populations plus fragiles qui ont besoin d’un revenu) et de mettre en place un marketing efficace. Comme il est très fort dans son domaine (il faut le dire) il est successivement nommé à la tête de deux groupes automobiles en défaillance Nissan et Renault, afin de les redresser.

Puis, mystère. en 2018, il est arrêté pour toute une série de crimes : blanchiment d’argent, emploi fictif de sa soeur, fraude fiscale, abus de confiance, revenus non-déclaré, etc… etc… Et il s’évade dans une malle (vous connaissez la suite).

Bon si vous avez un peu de jugeotes, vous comprenez le pourquoi de ce film. Carlos est un membre de la haute bourgeoisie française. Il a grandi entre 15 pays, fait Polytechnique donc dès la naissance il était destiné par papa maman à gagner plus de fric en 1 heure que vous et moi en 1 mois. Nos élites sont habitués à un sentiment d’impunité relativement complet, notamment en termes de fiscalité. Sans déconner, Macron, notre président au moment où j’écris cette critique lorsqu’il était ministre s’était fait épingler pour ne pas avoir payé l’ISF et hop une fois président, il le supprime. L’arrestation de Carlos paraît s’expliquer simplement par un décalage avec la mentalité japonaise sur la fiscalité (avec eux, il y a apparemment des conséquences avec la fraude) et une rivalité entre Nissan et l’Etat français.

Mais alors, pourquoi tout ce foin médiatique ? Pourquoi ce film ? En gros, Carlos adore s’afficher. D’ailleurs, c’est montrer dans le film. Ils aiment se faire passer pour un people et passer une semaine dans 7 pays différents pour rencontrer Poutine ou le roi du Maroc. Monsieur aime attirer l’attention et apparaître dans ParisMatch comme la reine d’Angleterre. Carlos veut absolument gagner la bataille médiatique et attirer l’attention sur lui. Ce film et les autres puisqu’il en a eu 3-4 quand même ne servent qu’à son égo ou à nous vendre le récit d’un millionnaire voyou héroïque, limite Arsène Lupin. Sans déconner, regarder l’interview de Léa Salamé avec lui, c’est lunaire et putain de drôle. Sinon perso, je me sens moyen de faire preuve d’une grande empathie avec un mec capable de virer des milliers de gens donc de mettre des familles dans des situations de précarité, afin de louer le chateau de Versailles pour son anniversaire et se prendre pour Louis XIV (PS il l’a vraiment fait. Vous pouvez vérifier).

Après non plus, je ne vais pas faire mon gauchiste débile. Mais quand même, le film reste décevant, parce que le sujet évoque des tas de thématiques extrêmement intéressantes qui passent trop vites à la trappe.

Ok, Carlos a viré des milliers de gens et les mis eux avec leurs familles dans une situation précarité. Pourtant, il a bel et bien sauvé la boîte. Ok, il se donne un salaire de 13 millions d’euros. Pourtant, on y est quelque part obligé si on veut qu’il ne se barre pas chez un concurrent. Ok, il a baigné dans un tas de magouilles financières et il a juste l’air d’être un riche con purement attiré par le bling bling et le fait d’être en première couverture d’un magazine que personne ne lira sauf chez le dentiste. Mais, pourquoi est-ce qu’il n’a pas été arrêté qu’au Japon ? Quels sont les tensions sur la perception et l’application du capitalisme selon les pays ? Pourquoi en France il a droit a une défense médiatique énorme et pas au Japon ?

C’est là où ce film aurait pu justement ne pas être une bête apologie mais l’occasion d’une réflexion sur notre époque et ses contradictions sur la question des super riches. Jusqu’à quel point on leur dit oui et jusqu’à quel point on leurs dit non ? Et pourquoi on ne leur dit pas non ?

Franchement, le film aurait pu facilement être mieux si juste la réal n’avait pas fait la défense. Le film aurait été tout aussi mauvais s’il avait fait l’accusation. En revanche, il aurait eu un gros potentiel s’il en avait fait le procès en mettant à la barre autant les deux et d’essayer de développer une vraie réflexion politique et économique sur ce sujet sensible : l’impunité des super-riches. Jusqu’à quel point, laissez-faire laissez passez ?

Franchement, bête et dommage.

okaidac
4
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le 15 avr. 2024

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okaidac

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