Loin de n’être qu’une énième aventure solo introduisant un protagoniste générique, Captain Marvel avec Brie Larson avait sur les épaules bien des enjeux majeurs, préfigurant les défis qui attendent le MCU dans les années à venir. Joker narratif dans l’affrontement final contre Thanos, elle devait également donner le La des Avengers après Infinity War, dans Avengers : Endgame (ou du moins paraissait-il). Cette première super-héroïne à officier dans un blockbuster Marvel dédié est-elle à la hauteur ?


CAPTAIN JAVEL


Si Disney et Brie Larson ont longuement mis en avant le genre du personnage et la dimension supposément féministe du métrage ces derniers mois (quitte à s’attirer la foudre d’une frange du public masculiniste), tout est fait ici pour que le spectateur habitué aux productions Marvel retrouve ses charentaises et ne soit jamais malmené de quelque façon que ce soit. Recruté en qualité de chefs de chantiers spécialisés dans les épisodes de série, Anna Boden et Ryan Fleck (notamment scénaristes de Half Nelson, que Ryan Fleck a réalisé) s’efforcent de dépouiller le récit de toute forme de personnalité.


photo, Brie Larson Brie Larson joue les contrôleuses


Situé dans les années 90, Captain Marvel n’use de son décor qu’au gré de références épaisses et de clins d’œil superficiels. Jamais l’ensemble ne s’interroge sur comment le découpage (digne d’une sitcom un peu friquée), la photographie ou le montage, pourraient insuffler du caractère au film. Quelques minutes seulement après le visionnage, impossible de retirer de ce fatras une image particulière, les scènes d'expositions se suivant comme autant de figures imposées et standardisées. Quant au montage de l'action, il frise parfois assez l'amateurisme pour gacher des effets spéciaux pourtant plus aboutis qu'à l'accoutumée chez Marvel.


Comme le plus souvent dans le MCU, chaque protagoniste fait son possible pour désamorcer le moindre embryon de dramaturgie – le traitement d’une certaine mutilation oculaire est sidérant d'inconséquence. Hélas, cette tiédeur se retrouve jusque dans les scènes d’action, qui manquent cruellement de dynamisme. Il est même curieux de voir le personnage le plus puissant de Marvel à ce jour se contenter en guise de climax de singer un dogfight intermédiaire d’Independence Day. Il y a 8 ans, Joe Johnston faisait preuve d’autrement plus de maîtrise et de créativité lors de la scène de voltige aérienne de Captain America : The First Avenger premier du nom.


CAPTAIN MARTEL


Pour autant, Captain Marvel parvient à marquer des points dans des domaines où les productions Marvel s’avèrent souvent déficientes. Pour omniprésent qu’il soit, l’humour se révèle assez efficace. On pourra regretter qu’il dénoue régulièrement les conflits, quand il ne sert pas purement et simplement à maquiller les trous béants du script ; mais son rythme fonctionne, et on sourit souvent, tant que l'abominable chat numérique qui fait office de mascotte n'est pas dans le coup, le film nous le mettant dans les pattes avec la finesse d'un vendeur aviné au salon de l'andouillette.


Les comédiens ne sont pas en reste, et on n’avait pas vu d’alchimie aussi évidente depuis Les Gardiens de la Galaxie. Le plaisir que prend Samuel L. Jackson à tirer le tout vers le buddy movie (à la faveur d’un rajeunissement numérique bluffant) permet à Brie Larson de s’extraire avec bonheur de la partition de super-combattante mono-expressive qui menace souvent son personnage. Et tandis que ce duo imprime efficacement la pellicule, Ben Mendelsohn parvient à faire exister Talos, Skrull plus fin qu’il n’y paraît. Seul Jude Law paraît plus occupé à combattre sa calvitie que les forces qui menacent la galaxie.


Enfin, là où Disney semblait condamner ses super-héros à jouer séparément d’interminables dialogues sur des fonds verts, histoire d’occuper d’encombrants ventres mous au cœur de chacune de ses super-productions, Captain Marvel fait un notable effort de tempo. Après un premier acte d’un dynamisme rare pour le studio, et malgré un retour à la « norme » narrative trop rapide, le film s’efforce de multiplier les décors et les situations.


Des enchaînements qui permettent également au scénario d'effleurer des thèmes bienvenus, comme le regard porté sur l'Autre, le refus de la différence, le traitement subi par les réfugiés ainsi que la condescendance des institutions à l'égard des femmes. Tout cela est survolé, mais s'imbrique harmonieusement et permet à Carol Danvers de se laisser suivre dans l’espace sans déplaisir.


Brie Larson et Samuel L. Jackson insufflent à ce Captain Javel de la vie et du charme, boostant le récit grâce à leur tempo unique, soulignant ses rares idées et lignes de force mais c'est triste de se dire Comment prendre un personnage excellent et le rabaisser dans un film sans saveur : Captain Marvel est une petite leçon dans le genre, grâce à un scénario plat et un manque d'ambition et d'énergie consternant.
Bref Rien de neuf dans ce film Marvel en pilotage automatique. Quelques bonnes idées, une direction artistique prometteuse mais qui ne décolle jamais, un récit fourre-tout sans grand intérêt, un mélange des genres déséquilibré. Bref, un film destiné à créer un pont entre deux Avengers décidément bien fade.

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le 12 févr. 2020

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