Pour avoir déontologiquement porté assistance à un rebel menant la révolte contre le roi d'Angleterre, le docteur Peter Blood est jugé à la va-vite et expédié avec ses compagnons d'infortunes à Port Royal, en Jamaïque pour y être vendus comme esclaves. Il endossera successivement les costumes de bagnard, médecin attitré du gouverneur, capitaine pirate puis de gouverneur, le tout sous le regard bienveillant et amoureux de sa belle, Arabella, la nièce de son ennemi honni le colonel Bishop.
Curtiz signe un film enlevé, bétonné scénaristiquement, qui a le souffle romanesque d'aventure indispensable au genre, et offre un spectacle époustouflant de grâce et d'énergie. Mais il est plus qu'un film banal film d'aventure. Avec d'autres films, bien postérieurs comme Scaramouche ou le Prisonnier de Zenda, il incarne le film de cape et d'épée. Il le transcende même en incarnant à mes yeux LE film de pirates. C'est bien simple tout y est : Port Royal et ses loyaux sujets de la couronne, les galions espagnols chargés d'or et de pierres précieuses, le pirate français bonimenteur, l'enlèvement de la belle, les abordages, Tortuga, les îles désertes..
Mais ce qui confère au film son cachet mythique c'est également, et surtout, son couple de comédiens légendaire qui se donnait la réplique pour la première fois et jouerait encore ensemble sept autres fois. Car la rencontre du couple était écrite. La première ligne de leur destin s'était rédigé cinq mois avant le début du tournage lorsque Curtiz engagea, pour son premier film américain "The Case of the Curious Bride", Errol Flynn dans le rôle d'un mort. Le premier choix de la Warner pour endosser le costume de Peter Blood s'était porté sur Robert Donat. Mais trop gourmand aux yeux (au portefeuille) de l'inflexible Jack Warner, il est évincé au pied levé. Est alors soulevée la question de sa succession. Leslie Howard est dans un premier temps envisagé mais est finalement jugé trop chétif. David Niven, grand copain et colocataire de Flynn, puis Gable, trop cher, sont ensuite approchés, en vain. C'est alors que Curtiz se souvient de cet impétueux comédien qu'il avait fait tourné dans son précédent film. Son charisme virevoltant, sa belle gueule, son physique, son humour correspondait parfaitement au rôle. Et il n'était alors pas cher. L'occasion était trop belle et il est engagé dans l'heure sans autre forme de procès. C'est ainsi qu'en se rendant un jour sur le lieu du tournage, Olivia de Havilland croisa son regard et tomba raide dingue amoureuse. Il naîtra par la suite entre eux deux une amitié indélébile jusqu'à la mort de l'acteur. Aaah Olivia....... Je t'aime.
Pour l'anecdote : sur la recommandation de Perc Westmore, le maquilleur de Flynn entre les mains duquel il passait tous les matin une heure et demie, et l’œil goguenard et envieux des frangins Warner eux aussi au régime hydrique, Flynn dû interrompre sa consommation d'alcool pour garder le teint frais et ne pas gonfler ses chairs. Qu'à cela ne tienne, il compensa le manque par une consommation anormalement élevée d'oranges. Ce n'est que deux semaines plus tard et par le plus parfait des hasard que Westmore découvrit le pot aux roses : buveur invétéré et menteur dans l'âme, Flynn injecté quotidiennement dans ses agrumes de la vodka à l'aide d'une seringue hypodermique. Un vrai médecin. Captain Blood (plus quelques grammes d'alcool).