Calibre 32
6.7
Calibre 32

Film de Alfonso Brescia (1967)


Navrant. Vraiment navrant. J'aurais voulu vous offrir... une balle en argent. Mais pour quelqu'un qui exploite les pauvres gens, une balle de plomb suffit.



Alfonso Brescia présente en 1967 avec Calibre 32 un film aujourd'hui oublié qui pourtant a tout du bon classique western européen lancé en 1964 par Sergio Leone et approfondi et déstructuré par d'autres cinéastes tel que Sergio Corbucci en 1966 avec Django, dont Calibre 32 est le plus imprégné. Avec son personnage principal iconique incarné par Peter Lee Lawrence, Alfonso Brescia à défaut de révolutionner le genre assure efficacement son prolongement en présentant un western aussi raffiné que barbare, amusant que grave, surréaliste que réfléchi... Une oeuvre qui n'est pas incontournable mais assurément exaltante et étonnamment graphique pour son époque. Si le cinéaste ne renouvelle pas le genre, il en est un parfait garant en proposant un spectacle jouissif assuré par des confrontations violentes et spectaculaires qui sont intelligemment diluées par le biais d'une enquête criminelle performante, où le personnage principal va devoir dénouer les nœuds d'une affaire made in Cluedo au Far West en découvrant l'identité de ses cibles, ce qui va permettre un travail de fond (toutes proportions gardées) sur une forme brute de décoffrage, permettant ainsi une juxtaposition appropriée pour rendre un contenu parfaitement digeste.


La grande star de Calibre 32 n'est autre que Silver incarné par Karl Hyrenbach alias Peter Lee Lawrence. Silver est un personnage iconique qui si physiquement avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus perçants rappelle ce cher Django, en est psychologiquement son parfait opposé, délaissant la figure du pur fantasme masculin du mâle alpha sous testostérone, pour quelque chose de beaucoup plus civilisé et raffiné. Un pur fantasme féminin. Une nouvelle icône au charisme évident que le comédien incarne à la perfection, et qui vient apporter de la fraîcheur en venant pondérer les figures emblématiques, muettes, et machistes, incarnées par Clint Eastwood, Lee Van Cleef, Franco Nero... Silver malgré son côté taciturne et énigmatique en tant que chasseur de primes hors de prix, brille par son étonnante civilité. Tireur hors pair manipulant la lame, la langue, la logique, et les poings, aussi bien que la gâchette, celui-ci refuse d'abattre une cible si ce n'est pas sous la légitime défense (estimant que chacun doit avoir une chance de s'en tirer) : un de ses grands principes !


Et Silver, des principes fondamentaux, il en a un paquet, comme de ne jamais abuser d'une femme et de la respecter (sachant que plus d'une femme s'offre à lui, mais sans sentiment il n'est pas intéressé), qu'on respecte son statut de gentleman en employant "Monsieur" avant de prononcer son nom, d'avoir une attitude civilisée, un physique soigné, ou encore de respecter une parole donnée. Si Silver met un point d'honneur à être civilisé, il n'en est pas moins un tueur de sang-froid implacable, se débrouillant toujours par sa ruse à faire en sorte que ses ennemis dégainent en premier, pour invoquer derrière la légitime défense lorsque celui-ci les a abattus. Avec son look dandy et son calibre 32 qu'il charge avec des balles en argent pour les cibles qu'il estime dignes de rangs (sinon pour les vermines ce n'est que du plomb), Silver est un excellent personnage iconique à suivre : assurant sans mal l'intérêt du récit en adoptant une attitude distrayante avec des principes, une logique, et une détermination à remplir ses contrats, qui captent les spectateurs. Les personnages secondaires sont intéressants à observer avec des relations bien élaborées qui amènent une construction dramatique qui sert le développement de l'enquête. Parmi les comédiens on retiendra les magnifiques Agnès Spaak et Lucy Scay, Massimo Righi, Alberto DellAcqua...


Avec un savoir-faire visuel étonnant, Alfonso Brescia capture intelligemment les diverses fusillades à travers une mise en scène impeccable, qui sublime son personnage mais aussi l'intention atmosphérique qui d'un plan à l'autre parvient à rendre une tension palpable. Les séquences d'actions sont généreuses avec plusieurs duels, de mano à mano, inventifs. Calibre 32 livre une des meilleures parties de poker jamais filmée, qui fait monter progressivement une tension qui finit par devenir oppressante et intenable pour laisser finalement les flingues s'enflammer. Une excellente séquence ! Silver n'étant pas dans une posture mutique, les dialogues ne manquent pas de piquant, ce qui n'empêche pas d'avoir un fond un brin caricatural vu la texture première du récit, mais certainement de la nuance dans le propos et les personnages observés, au cours d'une enquête détective à laquelle on se prend au jeu avec des retournements de situations efficaces. Une direction habile qui réussit à rendre un travail visuel satisfaisant (au-dessus de la norme habituelle des westerns italiens) avec un cadre limité mais brillamment mis en boîte. La bande son déchire ! Le compositeur Robby Poitevin livre une partition musicale surprenante avec plusieurs titres qui viennent sublimer les différentes séquences. Un travail remarquable avec des percussions rythmées, des sifflements aventureux, ou encore des tonalités stridentes. Un travail de conception d'un niveau semblable à Ennio Morricone. Une musique principale accrocheuse qui donne le ton d'emblée de jeu lors d'une scène d'ouverture bien fichue dans un format bande dessiné accrocheur.



CONCLUSION :



Alfonso Brescia propose avec Calibre 32 un western italien dans la plus pure mouvance du style initié par Sergio Leone et Sergio Corbucci à travers une structure qui rend grâce au genre européen avec une proposition au-dessus du niveau habituel. Un western qui tire sa force de son personnage principal : '' Silver '', pistolero iconique attractif plongé dans un récit conjuguant efficacement enquête et confrontation, à travers une technicité surprenante.


Un western divertissant qui nous laisse pour seul regret un film unique qui aurait mérité une multitude de suites autour de Silver, le chasseur de primes dandy.



On vous a dérangé pour rien, Shérif. Aucune possibilité de m'incarcérer. C'est un cas évident de légitime défense.


B_Jérémy
8
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le 12 déc. 2021

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