Barbet Schroeder fait partie de ces cinéastes français, tel Jacques Demy, payés par les studios hollywoodiens pour écrire et réaliser des films aux États-Unis. Si certains d’entre eux repartiront sans n’avoir rien fait, lui persévère, arrivant à obtenir des fonds et la confiance des producteurs, qui l’amèneront à livrer Le Mystère von Bülow, qui lui vaudra deux nominations aux Oscars (pour Meilleur réalisateur et Meilleur scénario adapté). Depuis, le Français a continué sa carrière américaine, mettant en scène des films tels que J.F. partagerait appartement ou encore, le film de cette critique, Calculs meurtriers.

Thriller psychologique, qui suit l’enquête d’une flic (ancienne victime d’une tentative de meurtre) tentant d’élucider l’assassinat d’une jeune fille. Et qui soupçonne deux élèves brillants, coupables pour avoir atteint ce qu’ils considèrent comme le summum de la liberté d’être : avoir mit fin à la vie d’une personne. Encore faut-il le prouver ! Une histoire à la Hitchcock, me diriez-vous. Et vous ne seriez pas loin de la vérité ! En effet, en y regardant de plus près, Calculs meurtriers est ce que nous pouvons appeler un remake de La Corde. Bien que le film n’ait jamais été qualifié de la sorte, c’est pourtant la même trame et les mêmes personnages qui se présentent à nous. Du moins du côté des deux coupables : deux amis à l’amitié à la fois forte et complexe (qui pourrait faire penser à de l’homosexualité) qui expérimentent le meurtre comme exercice de leur propre philosophie et qui amène à une série de confrontations verbales avec les enquêteurs. L’un des deux élèves se délectant de la situation, prenant son pied à mentir. L’autre se retrouvant mal à l’aise de devoir cacher ce qu’il a fait, commençant à considérer le geste comme inhumain. Bref, Calculs meurtriers est un véritable copié-collé, à la seule différence de ne pas avoir un simple professeur comme personnage devant démêler toute cette affaire (et qui était joué par James Stewart) mais une policière. Sans compter que la trame se déroule « un peu partout » (maison, établissement scolaire…) et non en huis clos dans un seul appartement.

Bien entendu, le scénario de Calculs meurtriers se permet de rajouter bon nombre de trames secondaires, afin de s’éloigner de La Corde. Le problème, c’est que ce dernier avait été écrit à la perfection, chaque réplique suscitant à la moindre seconde notre intérêt. Ici, c’est plutôt de l’invraisemblance qui ressort le plus. Surtout dû au fait que ces fameuses trames rajoutées, bien que dans le but de creuser les personnages, n’apportent en vérité rien du tout. À commencer par cette femme flic jouée par Sandra Bullock, qui tente de cacher qu’elle ait été la victime d’un assassinat raté. D’accord, ça lui apporte de la psychologie, une certaine indécision en ce qui concerne sa vie (notamment avec les hommes). Mais au final, on s’en fiche royalement ! Toute comme cette romance que vit l’un des deux élèves (le plus « stressé ») que l’autre tente de mettre à mal, de peur que cela les trahisse. Sur le papier, cela pouvait renforcer l’ambiance tortueuse de ce thriller. Mais sur le coup, cela semble être une parade hollywoodienne pour introduire de l’amour dans une histoire qui n’en avait nullement besoin. Juste pour meubler un script qui, de ce fait, a plutôt tendance à tourner en rond et à ne pas savoir où emmener le spectateur.

Aux premiers abords, Calculs meurtriers peut être un bon petit thriller qui se laisse regarder. Mais par instants, on ne peut s’empêcher de remarquer certaines séquences qui frôlent le ridicule. Et ce à cause de détails techniques ou bien de la performance des comédiens. Rien que le final frise le grand n’importe quoi, se résumant à une fusillade classique, très mal mise en valeur par une caméra qui fait du surplace. Donnant l’impression d’assister à la répétition d’une pièce de théâtre au lieu d’un véritable film. Pour finir sur un balcon d’où vous pourrez remarquer l’allure fictive du ciel en fond pour faire croire à un décor en extérieur (ajout mal fichu d’un coucher de Soleil par ordinateur). Le tout sous une musique qui en fait souvent des tonnes, se permettant parfois quelques thèmes qui ne collent pas vraiment à l’ambiance du film. Et pour ce qui est des comédiens, non pas qu’ils soient mauvais, mais juste que par moments, ça sent un peu le forcé (Ryan Gosling). Il faut tout de même reconnaître que Sandra Bullock sort (enfin) de ses rôles de nunuches (toujours habituée aux comédies ou aux films d’action délurés à la Speed) pour se montrer bien plus agréable à regarder (je parle bien entendu de son jeu d’actrice). Même si pour obtenir l’Oscar ou toute autre récompense, nous sommes encore bien loin du statut de « bonne comédienne ».

S’en était presque prémonitoire : avec un titre pareil, il y avait peu de chance que le film reste dans les annales. Et le résultat confirme ce constat ! Calculs meurtriers est certes un thriller psychologique qui peut se montrer sympa à suivre, mais n’a aucunement les épaules pour être inoubliable. Qu’il ait été sélectionné en compétition officielle du festival de Cannes 2002 en est presque une blague ! Comme quoi, un cinéaste (quelque soit sa nationalité) peut réaliser un long-métrage reconnu par la profession, cela ne l’empêche pas de faire moins bien par la suite. Devenant ainsi un inconnu auprès du grand public.

Créée

le 2 févr. 2014

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