On pense ce qu'on veut de Woody Allen, mais sa patte est reconnaissable en un coup d'œil. La BO de ses films revisite généralement un âge d'or du jazz au service d'histoires, la plupart du temps sentimentales, où des hommes aiment des femmes (ou vice-versa) sur fond d'imbroglios, qui mêlent parfois polar et fantastique. Et puis son écriture, au service de dialogues drôles et acerbes, est sans égal.

Nous sommes dans les années 30 et Bobby (Jesse Eisenberg) est la personnification de Woody Allen. C'est un jeune homme sorti à peine de ses études et cherchant un but dans sa vie. C'est pourquoi il décide de quitter le Bronx pour s'installer à Los Angeles et y rencontrer son oncle Phil Stern (Steve Carrell) un agent pour les studios hollywoodiens. Phil lui confie des petites missions (livraison du courrier), en attendant de lui trouver mieux. Il demande également à sa secrétaire Vonnie (Kristen Stewart) de lui faire visiter L.A.

Bobby tombe immédiatement amoureux de Vonnie, mais très vite il découvre qu'elle a une liaison avec son oncle marié. Phil décide qu’il ne peut pas quitter sa femme et rompt avec Vonnie. Vonnie et Bobby finissent par tomber amoureux, mais voilà que Phil revient à la charge et demande la main de Vonnie après s'être séparé de sa femme pour de bon. Vonnie va devoir faire son choix, filer le parfait amour avec Bobby ou avoir une vie confortable avec Phil.

Café Society n’est pas l’un des meilleurs films de Woody Allen, je dirais même que c'est un film mineur dans sa filmographie. L'âge d'or de Woody Allen se situe entre la fin des années 60 jusqu'au début des années 90, notamment les années 70 et 80 qui ont vu des chefs-d’œuvre comme Annie Hall, Manhattan, Stardust Memories, Une Autre femme ou Hannah et ses sœurs parmi tant d'autres. À partir du milieu des années 90, il est devenu plus inconstant, avec des joyaux comme Harry dans tous ses états, Anything Else ou Match Point, mais aussi beaucoup de films largement dispensables (la liste est trop longue).

En ce qui concerne ses films de la décennie 2010, les très bons Blue Jasmine et L'Homme Irrationnel m'avaient quelque peu redonné espoir en lui, mais Café Society c'est un peu la douche froide. Alors certes, ce n'est pas la catastrophe absolue comme dans To Rome with Love, mais on reste largement sur sa faim. Ce n’est pas un mauvais film et Woody Allen a fait bien pire, mais ça commence quand même à sentir le réchauffé.

Café Society est lent, terriblement lent. Le jeu des acteurs est bon, il y a quelques bonnes répliques, c’est historiquement exact (je suis toujours à la recherche de films sur le vieil Hollywood), les costumes sont très beaux et la photographie est vraiment très soignée. C'est d'ailleurs ce qui sauve le film de l'ennui, j'ai envie de dire. Woody Allen parle de deux amoureux qu'une route sépare et qui pensent souvent à cette autre route. C'est en quelque sorte un film "what if ... ?", que serais-je devenu si j'étais resté avec lui (ou elle). Alors bien sûr, il n’y a pas de réponse, mais nous nous posons tous cette question, surtout en vieillissant. C'est donc un sujet intéressant pour Woody Allen, mais ce n'est pas assez développé, c'est à peine effleuré.

Le meilleur atout de Café Society, c'est sa magnifique cinématographie. Chaque plan coupe le souffle et capture parfaitement l'ambiance des années 30. La BO est également parfaite, donnant un réel sentiment de nostalgie et on se sent tout de suite transporté dans le Hollywood de cette période. Il y a des fulgurances dans l'écriture de Woody Allen, quelques dialogues très drôles, d’autres plus touchants, ce qui nourrit la réflexion du film (le what if ... ?).

Le casting est vraiment très bon, même si les performances d'acteurs varient quelque peu. Blake Lively est vraiment très belle et rayonnante, la parfaite personnification de la belle blonde du Hollywood des années 30. Steve Carrell confirme qu’il est très à l'aise sur les deux registres de la comédie et du drame, dans un rôle qui nécessite de jouer entre les deux extrêmes. Quant à Kristen Stewart, ce n'est pas la plus belle des actrices, mais elle a ce petit quelque chose indéfinissable qui la rend terriblement attirante. Et pourtant elle n'a vraiment pas grand chose à jouer, son personnage n'étant clairement pas assez développé, mais dés qu'elle apparait à l'écran on ne voit plus qu'elle. Elle dégage un charme fou (entre réserve et timidité) et on comprend tout de suite, pourquoi Bobby tombe immédiatement amoureux d'elle.

Jesse Eisenberg fait le taf, sans plus, en alter ego Woody Allen plus jeune. J'ai quand même parfois l'impression qu'il fait une mauvaise imitation de Woody Allen, ni très drôle ni très charmant. Son jeu en devient vite agaçant et ses névroses sont exagérées. Quant à Corey Stoll dans le rôle de la brute épaisse, on n'y croit pas une seconde, le rôle de gangster ne lui convient tout simplement pas.

Et puis le ton du film est parfois étrange. La plupart du temps, les dialogues font mouche, mais certaines blagues, parfois de mauvais goût ou qui se moquent des Juifs, tombent à plat. La narration est trop explicative avec cette voix off assez lourde de Woody Allen. Plus on avance dans le film, moins ça me plaît. Il y a un sentiment d'écrasement (comme dans un entonnoir) au fur et à mesure qu'on avance dans le récit. L’histoire souffre de personnages trop nombreux et pas assez développés, ce qui rend les relations pas aussi convaincantes qu’elles auraient dû l'être. Et puis ce sentiment de morosité sur la fin tombe à plat et j'ai l'impression que Woody Allen était indécis sur la meilleure façon de conclure son film.

Bref, Café Society est très bon sur la forme, c'est vraiment un très beau film, mais sur le fond il manque beaucoup trop de choses pour en faire un bon Woody Allen.

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le 10 mai 2023

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lessthantod

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