Avec la popularité grandissante du ranger de l’espace depuis le premier Toy Story et sa série dérivée, il n’est pas étonnant que Buzz l’éclair ait finit par accéder à la case film d’animation en 3D qui lui soit entièrement dédiée. Et non pas un film sur le jouet en question mais sur la figure qui a inspiré le jouet dans l’univers de Toy Story, avec comme objectif de conter un background et une histoire propre à la véritable figure héroïque. Choix cocasse et lucratif au premier abord, mais tout autant excitant avec les possibilités laissées au fait de revoir Pixar réaliser un nouveau film de science-fiction.


Pourtant Buzz l’éclair ne brille pas vraiment par la sincérité de sa campagne promotionnelle puisqu’il n’est pas tant question de space opéra à la Pixar, mais davantage de recentrer son récit autour de l’une des icones les plus aimés du studio. A ce compte, Angus McLane trouve un équilibre suffisamment juste entre les allusions au personnage tel qu’on l’a connu dans Toy Story en justifiant principalement ses clins d’œil : entre les dialogues (la découverte de la planète par Buzz ramène directement à sa découverte de la chambre d’Andy), son caractère vite établi, son assurance et sens des responsabilités infaillible (au point de se menotter lui-même après avoir accidentellement échoué sur la planète) et la figure qui l’a inspirée en tant que ranger de l’espace (Hawthorne). D’ailleurs sa liaison amicale/enseignant avec elle constitue la première des grosses forces de Buzz l’éclair.


Tout est dit pendant en quelques minutes pendant la séquence des tests en vitesse lumière exécuté par Buzz,


en utilisant aussi bien le rythme soutenu cumulant les tests de Buzz et ses rares contacts avec son partenaire dont il n’observe que des bribes de vie sur T’Kani Prime (y compris le premier baiser entre personnages ouvertement homosexuel, point sur lequel il a fallu batailler pour que ça soit accepté). Difficile de ne pas repenser à Interstellar de Nolan avec ces voyages temporels ou le temps influe différemment sur les personnages, mais l’effet est là et la mise en image classieuse et simple montre bien ce fossé qui écarte le quotidien de Buzz et Alisha (Buzz restant toujours derrière la porte des appartements de sa partenaire, ne voyant sa vie et son épanouissement personnel que de loin sans en prendre conscience dans l’instant), avant qu’il ne fasse ce fameux pas lors d’un ultime retour dans le bureau de celle-ci pour constater les effets du temps et le dernier témoignage de son amie.


Sobrement exécuté et sachant ou aller, c’est dans ce genre de moment qu’Angus McLane arrive à toucher juste sur le plan de l’intimité.


Sauf que cette séquence met aussi le point sur un rythme trop soutenu et qui reste statique tout du long, nous laissant que rarement le temps de souffler. Pour un Pixar d’une durée de 1h40, le film finit par étouffer à force d’être sur le qui-vive et par apporter inexorablement la majeure partie des reproches qu’on peut lui fournir. A commencer par l’aspect comédie qui fait souvent du touché-coulé : le gag du doigt et du lâcher une caisse sortie par Morrisson et qui décrédibilise le geste symbolique de Buzz de la manière la plus disgracieuse, c’est pas ce qui s’est fait de mieux. Sox le chat-robot gadget s’en tire mieux à ce compte, en dépit de son statut de deux ex machina sur patte puisqu’il sera le compagnon le plus à même d’apporter du sourire ou des rires selon ses répliques ou ses situations.


En parlant des rôles secondaires, le groupe d’apprenti rencontré par Buzz fait tout autant dans le touché-coulé de ce côté-là : l’intention de base est la plus sage concernant Izy Hawthorne et son partenariat avec Buzz, obligeant celui-ci à faire ce qu’il s’était toujours refusé de faire avec les cadets et donc de faire un travail sur lui-même en voyant eux Izy et les autres apprentis autre chose que des poids morts. Le souci c’est qu’elle peine à totalement se distinguer en tant que telle, et que pour un film d’une durée relativement adapté pour un film intimiste en animation il n’aborde jamais ce petit monde autrement que comme un groupe alors qu’individuellement il y avait matière à aborder chacun d’eux (retenir de Darby et de Morrisson qu’une mémé grincheuse débrouillarde et un godiche de compétition, c’est pas assez pour en faire des personnages à part entière). Démarche dommageable, je trouve, quand on sait que le film tourne sur une figure qui s’est distingué depuis longtemps et que ce manque de risque fait un peu mal à voir.


Alors que lorsque c’est Buzz qui doit s’appliquer pour faire confiance aux cadets à travers un travail de groupe (la salle piégée), l’exécution fonctionne déjà mieux et nous amène à une autre jolie séquence dans laquelle on finit par découvrir ce qui lui posait tant de souci dans le fait de s’impliquer avec des cadets ou apprentis parmi les rangers de l’espace. Trahissant en lui un manque d’assurance des plus logiques quand bien même c’est l’un de ses traits de caractère principaux, et surtout le replaçant au même niveau pendant un temps que la petite équipe de fortune qu’il a prit sous son aile, devant faire mauvaise fortune et bon cœur.


Dans la même catégorie des idées qui partent également en touché-coulé, le twist de dernier tiers a également une base très forte et capable d’aller très loin émotionnellement :


le double de Buzz, plus âgé et ayant une expérience très différente à partir de son retour sur la planète suite à la réussite du test de voyage en vitesse lumière. L’un ayant découvert par la fille d’Alisha que sa partenaire a eu une vie comblée et qu’il n’a nullement besoin de retourner dans le passé pour rectifier une faute qui n’en était plus une pour son entourage, tandis que l’autre a vécu en ermite et en solitaire dans l’unique espoir de recommencer à zéro et renouer avec le sens même de sa vie.


Cela aurait pu être une confrontation mené aussi subtilement que celui entre Carl Fredricksen et Charles Muntz dans Là-haut avec leur motivation respective et leur rêve ayant prit une direction différente, ou bien esquiver la confrontation comme l’a fait ingénieusement Toy Story 4 avec le très beau personnage qu’était Gabby Gabby. Mais l’exécution n’atteint pas ce même niveau ici en plus d’être handicapé par ses problèmes de rythme : la confrontation amène inévitablement à un antagonisme vu et revu, crédible avec les faits mais insuffisamment posé précédemment pour qu’on soit totalement engagé dans ce climax. Il a le mérite d’aller au bout concernant le développement de Buzz et surtout son besoin d’être aidé dans les situations critiques quand l’individualité ne fonctionne plus, mais il y aura toujours ce sentiment qu’il y avait meilleur moyen de faire et un manque de maturité évident (bien qu’excusable au fait que McLane est à son premier long-métrage).


Dommage qu’il ait un tel manque de variante dans ce rythme si uniforme alors qu’à côté, la patte graphique du film est à nouveau de qualité en plus de se distinguer une nouvelle fois de son prédécesseur dans l’ordre de sortie des films Pixar. Surtout avec cette modélisation plus « réaliste » des personnages humains, ce rendu d’éclairage somptueux à bien des égards (l’ouverture du vaisseau en forme de navet, la menace des robots) et la beauté des textures qui ne cesse de me fasciner depuis un moment de Pixar en Pixar, limite on a envie de les tâter de nos mains tant ils nous paraissent tangible et vraie même avec des styles visuels et des décors très différents film après film (l’hommage à l’animation japonaise dans Alerte Rouge, ou encore le côté stop-motion des designs de Luca).


Malheureusement, on peut s’étonner que pour un film Buzz l’éclair, Michael Giacchino, partenaire attitré du studio depuis longtemps, ne se soit pas tout autant investi dans la musique en dehors de ce qui était attendu. Passé un thème principal assez efficace pour Buzz, l’accompagnement musical est correct mais il ne reste pas autant en tête qu’espéré et ne remplit qu’un rôle fonctionnel. Pour le coup le compositeur ne cesse d’alterner entre les partitions inspirées (The Batman) et les morceaux musicaux assez transparente et limite redondante dans son style depuis quelques films comme là (ou avec une daube de compétition comme Spiderman No Way Home).


Et à ce compte là, le doublage français ne fait pas hommage à Buzz et se retrouve à nouveau parasité par un Star-Talent de dernière minute assez embarrassant alors qu’on avait enfin eu un traitement décent depuis En Avant en 2020 : François Civil interprète Buzz en pilote automatique et ne parvient jamais à retranscrire l’énergie et le panache du ranger, en plus d’avoir un jeu trop mécanique pour qu’on soit pleinement investi ce qui dessert en plus les moments les plus importants du métrage. Lyna Khoudri s’en tire à peine mieux bien que moins automatique dans son jeu, Michael Gregorio est plus à sa place pour Sox, tandis que Chantal Ladesou et Tomer Sisley remplissent suffisamment bien leur part du contrat pour ne pas nuire aux comics-reliefs incarnés.


Buzz l’éclair divise déjà les fans du studio à la lampe par son statut de film de science-fiction assez modeste et son manque d’éclat assez évident (on peut pas sortir un Soul, un En Avant ou un Coco tout les ans non plus), difficile de nier qu’il pêche par sa volonté de rester à hauteur d’homme et son traitement plus intimiste parasité par son rythme et son manque de maturité. Il reste tout de même honnête et accompli le principal en rendant hommage à l’un des personnages les plus iconiques des studios Pixar à défaut de lui donner une odyssée spatiale inoubliable. Bien qu’il se classe assez bas dans ce que les créateurs au sein du studio on eu à nous proposer depuis leurs débuts.

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le 29 juin 2022

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