Je me suis ennuyé dès les premières secondes, ne sachant pas où le film allait, ni pourquoi telle scène se justifiait en regard du récit ou de la psychologie des personnages. Peu de charme aussi à l'écran. Mais comme je le dis souvent, l'ennui n'est pas un critère valable car il peut, par frustration, amener d'autres choses insoupçonnées. Comprendre pourquoi je m'ennuie est déjà une activité en soi, une activité que je creuse avec intérêt.


Mais en sortant, le film prend de l'ampleur, avec d'un côté ce triangle amoureux, que dis-je un triptyque où tous les sentiments sont en sourdine et où l'on parle "des petites et grandes faims" (de l'inexorable sens de la vie, surtout chez les pauvres), et d'un autre côté ce contexte très difficile d'une Corée divisée et misérable tant au niveau internationale que nationale (populisme, chômage, disparités économiques inexplicables).


Même si je partage aisément ce rêve désenchanté d'un amour enlevé et d'un pays où la population est livrée à elle-même (où tout acte de rébellion est durement sanctionné), cette espèce de poésie absconse de la volatilité existentielle semble bien mince pour trouver un sens à ce film, même si on perçoit son ardente vision holistique.


Il y a donc de quoi surpasser son ennui comme on peut l'observer. En y songeant à nouveau, le lendemain, je me suis demandé comment, au-delà des portraits des trois individus, les déterminations pèsent sur les faits et gestes des êtres humains, et comment la domination pèse. Pourquoi le jeune bourgeois de Gangnam, dont le monde entier a applaudi la chanson éponyme, se satisfait-il de son existence morne et de sa supériorité ? Pourquoi est-il si dur avec ce jeune homme, campagnard en perte de repères sociaux et familiaux ? Sans doute parce qu'il n'a pas peur de devenir pauvre. Et ainsi, ces serres que ce bourgeois brûle sont comme des êtres dominés : elles sont abandonnées pour les mêmes raisons et au même titre que tous les exploités ; abandonnées parce qu'inutiles, attentistes et qu'elles auraient très bien ne jamais exister puisque sans impact. Il est un trouble rémanent dans ce film de constater que la métaphysique rejoint la trajectoire sociale et qu'à ce titre, nous ne sommes invariablement pas logés à la même enseigne. Ainsi j'estime qu'on est pas si loin de A Touch of Sin avec ses histoires individuelles et particulièrement cruelles et tristes.


Je comprends qu'on puisse rester sur sa faim avec ces histoires de petites et de grandes faim. Mais personnellement je ne peux que relever l'aspect sociologique et l'impact des dominations sur les vécus des personnages.

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le 8 sept. 2018

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Andy Capet

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