Riche histoire que celle de Braveheart, lui qui plaça avec grand fracas l’Écosse sur la carte du Septième Art tout en consacrant les prédispositions de Mel Gibson à la mise en scène : avec quelques menues récompenses dans sa besace, à commencer par les Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur (cinq au total), ce récit historique au souffle résolument épique n’aura pas volé sa reconnaissance... quoique controversée.


Affublé du même patronyme que l’illustre portrait que dépeint le long-métrage, Randall Wallace ne s’est jamais caché de sa libre inspiration du poème de Blind Harry, de quoi pleinement assumer un scénario remodelant l’Histoire : mais là où nombre de biopics et autres relectures des légendes d’antan usent de ressorts romancés et iconiques jusqu’à la moelle, Braveheart le fait avec un certain doigté... contrairement à, par exemple, The Patriot (ceux-ci partageant la même tête d’affiche et une guerre d'indépendance en toile de fond, le parallèle était des plus tentants).


Mais en cette fin de XIIIe siècle, difficile de ne pas concevoir que de tels arrangements sont indissociables des prétentions grandioses du film, l’épopée de William Wallace marquant l’esprit comme la rétine : s’inspirant à l’envie des ténors du genre (Spartacus pour n’en citer qu’un), Gibson accouche d’un divertissement ambitieux comme malin, tirant le meilleur de son budget pour animer des batailles à grande échelle convaincantes et, surtout, une reconstitution médiévale immersive... quand bien même celle-ci serait anachronique (satanés kilts).


Nous pourrions alors lui reprocher son manichéisme patent, sa clique d’anglais peu recommandables et leurs vils collaborateurs tourmentant des écossais très sympas : toutefois, quand bien même William Wallace est de ces héros vengeurs bien sous tous rapports, Braveheart possède de belles cordes à son arc à même de terrasser la vilenie d’un Édouard Ier brutal. Quitte à verser d’emblée dans un chauvinisme de bon aloi, Isabelle de France brille ainsi d’une intelligence des plus fines au centre d’un environnement majoritairement masculin (et lourdaud), telle une belle éclaircie nuançant la grise brume du camp anglais.


Mais si Sophie Marceau nous aura laissé une très bonne impression, c’est bien du côté d’Angus Macfadyen que l’intrigue fait fort : pierre angulaire d’une noblesse écossaise ambivalente, Robert le Bruce élève le récit bien au-delà de simples considérations binaires, d’abord de par l’influence néfaste de son paternel (dont le cœur est encore plus pourri que la peau), enfin au gré de ses états d’âme exacerbant toute l’ironie cruelle que distille Braveheart. Une figure marquante donc, aux antipodes d’un Wallace leader et homme d’action, dont les traits davantage unidimensionnels en font le Némésis tout désigné d’Édouard Ier.


Chose cocasse que l’idéalisation de Wallace in fine, car si le long-métrage se garde bien d’occulter le sac de York, il met bien l’emphase sur les coups du sort affectant son parcours : celui-ci se voyant couronné de trahisons bien senties, son costume de résistant fort malin comme cultivé a tôt fait de se muer en guenille de martyr malheureux. Sous réserve que sa version longue soit plus « généreuse » en la matière, Braveheart manque cependant le coche avec cette séquence de torture diablement soft, à même d’atténuer le choix supposément « fort » d’un Wallace refusant une mort douce : une symbolique amoindrie donc, et qui plus est facile à l’aune du parallèle entre son supplice et l’agonie d’Édouard Ier.


De quoi souligner à nouveau les choix opportunistes de Randall Wallace au scénario, même si l’effet fonctionne à merveille par l’entremise d’une Isabelle brillamment exploitée : sa « confession » au roi mourant, dont le legs tient de la coquille vide, est à ce titre savoureusement mordante. N’en déplaise à sa liaison dispensable avec l’infortuné rebelle, Braveheart sera donc parvenu à transcender ses limites manichéennes et autres ficelles génériques, de quoi intégrer une caste de long-métrages comme on en fait plus, où les lettres de noblesse de l’Épopée tombent sous le sens.

NiERONiMO
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le 26 janv. 2020

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