Les promesses valent parfois plus que le résultat. Le simple fait d’aller tourner en pleine taïga sibérienne (loin, très loin de toute civilisation) ce documentaire sur « l’affrontement » entre deux familles que rien n’oppose (Elles ont toutes deux choisi de vivre dans cette contrée perdue) mais que tout oppose (Elles ont choisi le même lieu, uniquement séparé par une barrière, découpé par ce fleuve no man’s land) relevait d’un conte d’explorateur fou, quelque part entre le cinéma d’Herzog et celui de Wang Bing. Au final, il me semble que le film ne va pas suffisamment en profondeur, aussi bien dans son approche du réel, que du point de vue du conte comme du registre expérimental. Cogitore n’est pas Rouch et si la fameuse séquence de l’ours évoque La chasse au lion à l’arc, elle est surtout là pour appuyer la sidération plutôt que la faire grimper. Il me manque de la matière écrite pour y trouver ce que je peux trouver chez Herzog, il me manque du vertige pour y trouver ce qui m’avait tant fait voyager dans les œuvres expérimentales de Julien Loustau (Sub) et Lucien Castaing-Taylor et Vénéna Paravel (Leviathan). Du coup je ressens un déséquilibre, entre cette forte ambition de conter moins une utopie autarcique que l’échec d’une utopie communautaire, et une tendance à sur esthétiser, ce qui ne colle pas vraiment avec la sécheresse du récit. Si le film avait duré plus longtemps, ces instants gênants se seraient révélés forts, probablement, là ils me paraissent un peu poseurs. Quitte à calculer, à surjouer le réel, j’attendais une envolée shakespearienne entre les enfants Braguine et les enfants Kiline, par exemple. Ceci étant c’est très beau. Et puis c’est rare de filmer des enfants ainsi, qui portent autant l’innocence que la terreur.

JanosValuska
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le 30 déc. 2017

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